jeudi 12 avril 2007

Psycho : Les troubles de la mémoire dans la maladie d'Alzheimer

Zone de Texte:        LA PAROLE QUI VOULAIT TUER LE « FOU »…  La parole « rationnelle : cause-effet-(fast)solution» en tant que «  rationalité instrumentale » comme mécanisme de défense contre la réalité psychique (délirante) du psychotique/sujet unique de l’Inconscient…
Les troubles de la mémoire dans la maladie d’Alzheimer, ses conséquences sur le plan psychologique. Que se cache-t-il derrière l’aspect purement organique et cognitif de la maladie ?... Quelle place pour la stimulation cognitive ?...


Mémoire de maîtrise, psychologie clinique et psychopathologie ; sous la direction de Maryse Siksou, Paris VII, 2002-2003

Roomi HANIF






















PLAN DE MEMOIRE
INTRODUCTION……………………………………….............................................................(p.3)
I. L’ETUDE DU NARCISSISME DU SUJET AGE FACE AUX PERTES MNESIQUES RENCONTREES DANS LA DSTA DEBUTANTE………………………………………........(p.7)
1. La Maladie d’Alzheimer………………………………………...............................................(p.7)
2. Sémiologie des troubles mnésiques dans la maladie de type Alzheimer…………………..(p.12)
A. Brève présentation des processus mnésiques……………………………………….....................(p.12)
B. Les troubles mnésiques dans la DTA……………………………………….................................(p.14)
3. L’Étude du Narcissisme du sujet âgé dans la DSTA débutante………………………………(p.15)
A. Le narcissisme selon les sources Freudiennes………………………………………...................(p.17)
B. L’étude du narcissisme dans la DSTA débutante : Étude d’un narcissisme souvent simplifié cependant complexe et non unitaire……………………………………….......................................(p.21)
a. L’étude du narcissisme dans le vieillissement dit normal……………………………………..(p.21)
b. L’étude du narcissisme du sujet âge face aux pertes mnésiques rencontrées dans la DSTA débutante……………………………………….........................................................................(p25)
II. PRESENTATION DU CAS CLINIQUE ET DEROULEMENT DE DEUX SEANCES DE « STIMULATION COGNITIVE »……………………………………..........................................(p.30)
1. Madame I, 75 ans, patiente ambulatoire, atteinte de la DSTA débutante………………..(p.30)
2. Déroulement d’une séance ordinaire de stimulation cognitive…………………………….(p.34)
3. Déroulement d’une séance de stimulation cognitive pas comme les autres…………………(p.40)
III. POURRAIT-ON CONSIDERER LA STIMULATION CONGNITIVE EN TANT QUE MECANISME DE DEFENSE CONTRE UNE BLESSURE NARCISSIQUE INSURMONTABLE POUR CERTAINS PATIENTS, UN ESPACE GROUPAL QUI POURRAIT DONNER L’ILLUSION DE LUTTER CONTRE LA PERTE « D’OBJET-MEMOIRE », VOIRE MEME DE RETROUVER CET OBJET PERDU ? UNE LUTTE CONTRE DES PERTES IRREVERSIBLES NE TRADUIRAIT-ELLE PAS UN CONFLIT NARCISSIQUE ?……………………………………...............................................................(p.52)
1. Discussion autour des séances de stimulation cognitive………………………………………...(p.52)
2. Dans le cas de Mme I, la stimulation cognitive serait utilisée en tant que mécanisme de défense contre une blessure narcissique : Un espace groupal autour du thème de la mémoire qui rassurerait le narcissisme en conflit , et parfois donnerait l’illusion de guérir…………..(p.56)
3. Quand la SC n’est plus l’espace d’illusion……………………………………….......................(p.60)
4. Que pouvons nous essayer de comprendre derrière un tel mécanisme de défense ?……..(p.62)
a. Pouvons nous parler d’un travail de deuil fait sur une note pathologique?………………….(p.62)
b. Pouvons nous évoquer le fantasme inconscient d’immortalité (dont parle Freud) derrière le refus de la perte « d’objet-mémoire »?…………………………………….......................................(p.65)
CONCLUSION……………………………………….......................................................................(p.67)
BIBLIOGRAPHIE……………………………………….................................................................(p.69)
ANNEXE………………………………………................................................................................(p.79)





INTRODUCTION
Qu’est-ce que la Maladie d’Alzheimer ?
Nous allons commencer par présenter d’une manière globale la maladie d‘Alzheimer; décrire la sémiologie des troubles mnésiques rencontrés dans cette maladie; pour ensuite nous attarder sur ce qui pourrait se cacher derrière l’aspect purement organique et cognitif évoqué…
Dans le DSM III, nous pouvons lire des notions de modification de la personnalité liées à la MA; mais dans le DSM IV, ces notions ont curieusement disparu… Le fait d’occulter les faits psychiques, les représentations attachées aux composantes psycho-affectives, ne révèlerait-il pas que le psychisme, dans cette maladie devient extrêmement difficile à appréhender, et en plus de l’hétérogénéité des réactions et d’adaptation à la maladie, l’âge où elle survient doit rendre l’étude des faits psychiques encore plus complexe ?…
Dans notre situation, du fait d’avoir fait un stage dans un hôpital spécialisé en gériatrie, nous nous intéresserons uniquement à la DSTA.
Notre plus grande difficulté (et qui nous a même menés à un certain désespoir) fut la confrontation de la théorie très carencée et simplifiée concernant les faits psychiques entraînés par la DSTA, et l’hétérogénéité de ces faits rencontrée dans la clinique. En effet, cette confrontation nous a amenés à une très grande incompréhension et confusion; une confusion qui fut à certains moments telle, que nous nous demandions si nous traitions bien du même et unique sujet ?…
Après de longs moments de perdition causée par cet « écart » entre la théorie et la clinique, notre décision fut alors de nous baser uniquement sur la clinique, et de partir à partir d’un « fait » qui nous paraissait « probant » depuis des mois.
Il nous a semblé intéressant de faire une étude autour du narcissisme du sujet âgé face aux pertes mnésiques rencontrées dans la DSTA débutante - un moment où le sujet a une conscience, ou une certaine conscience de ses troubles -.
Après avoir développé le concept de narcissisme selon les sources freudiennes, nous avons tenté de développer une réflexion et une hypothèse autour d’un possible conflit narcissique provoqué par la perte « d’objet-mémoire » chez certains patients. Bien entendu, c’est surtout à ce moment précis que nous nous sommes confrontés à la profonde difficulté de séparer la théorie de la clinique… Quoiqu’il en soit, malgré nos efforts, dans la dernière partie de notre premier chapitre, cela nous a paru impossible de scinder les deux domaines…
Dans ce travail, nous avons tenté de reprendre l’idée générale, rarement développée et très fragmentée dans la littérature, qui dit qu’il y aurait un retour au « narcissisme secondaire » dans le vieillissement normal et surtout dans la démence sénile, et nous la mettons en opposition avec la clinique qui quant à elle, montre une situation plus complexe; autrement dit nous pensons que diverses voies peuvent être empruntées par le Moi pour faire face à la perspective de déficits dégénératifs de la mémoire.
En effet, après dix mois de stage au sein d’un même groupe de patients ambulatoires, de même tranche d’âge, atteints de la DSTA débutante, nous avons pu repérer divers cas de figures. Nous avons vu des patients qui ont plus ou moins difficilement élaboré les pertes dont ils sont témoins, et plus particulièrement la perte « d’objet-mémoire » ; autrement dit la maladie (bien qu’handicapante), n’empêche pas ces patients à l’heure actuelle de vivre avec un certain plaisir, mais nous avons aussi eu affaire à un autre type de patients (minoritaires dans un groupe) qui quant à eux, vivent comme figés dans un état de catastrophe, ne pouvant fondamentalement pas accepter leur état, et se laissant entraîner dans une lutte effrénée contre des troubles mnésiques irréversibles, dans un cadre telle que la stimulation cognitive… Il nous a semblé pertinent de travailler autour de l’étude du narcissisme des derniers cas de figures uniquement.
En effet, pour ce cas de figure, une question se pose dans notre posture psychanalytique : Du point de vue narcissique, que se passe-t-il face à un processus affectant les fonctions cognitives et tout particulièrement la mémoire ?
Notre hypothèse principale s’appuie sur la problématique suivante : Nous pensons (toujours d’après notre observation) que certains patients utiliseraient la SC comme un mécanisme de défense contre une blessure narcissique insurmontable; la SC deviendrait un espace où pourrait s’élaborer une illusion de garder l’idéal du Moi intact, une tentative de retrouver un état précédant la maladie. Une lutte de tel type contre les pertes mnésiques dégénératives et irréversibles, traduirait peut-être un conflit narcissique ?…
Après avoir tenté de mettre en place une hypothèse sur l’étude du narcissisme dans la DSTA débutante, et avoir présenté la problématique du travail, nous entamerons la deuxième partie qui consiste à présenter le cas clinique : Mme I, âgée de 75 ans, diagnostiquée DTA depuis deux ans. Il s’agit d’une patiente qui n’a jamais eu de problèmes neuropsychiatriques dans le passé. Nous transcrirons également le déroulement de deux séances de SC, une séance qui reflète globalement toutes les séances (environ 45 au total), des séances qui rassurent le narcissisme et une autre séance qui s‘est révélée être traumatisante pour la patiente, et a réconforté notre hypothèse…
Dans la troisième partie nous tenterons de montrer que contrairement à la majorité des patients, Mme I participe à la SC pour réellement lutter contre ses troubles mnésiques, et espère un jour récupérer ces pertes… La SC serait utilisée comme mécanisme de défense contre la blessure narcissique entraînée par la perte « d’objet-mémoire ».
Nous verrons que la DSTA soulève la complexe question du trauma, du travail de deuil et des possibilités d’élaboration mentale; cette élaboration dépendrait peut-être du bon fonctionnement de l’appareil psychique en fonction des défenses et des ressources psychiques restantes ?…
Peut-on aussi essayer de voir au delà de ce refus de la réalité, le fantasme inconscient d’immortalité dont nous parle Freud ?… Diverses questions se posent dans la troisième partie de ce travail…
Cette conscience de la perte, à la fois son refus de l’accepter et de lutter contre, traduirait-il un travail de deuil fait sur note pathologique ?
I. L’ETUDE DU NARCISSISME DU SUJET AGE FACE AUX PERTES MNESIQUES RENCONTREES DANS LA DSTA DEBUTANTE
1. La Maladie d’Alzheimer
La maladie d’Alzheimer (MA) présente 75% des cas de démences, (A. Pasquier, 1995). L’incident de cette maladie d’origine organique serait d’environ 110 000 de nouveaux cas par an dont les 2/3 surviennent chez des sujets de plus de 80 ans. Mais 3% des sujets de 60 ans et 47% des sujets de plus de 75 ans sont concernés par cette maladie, (D. Brouillet; A. Syssau, 1997). La MA s’inscrit dans les démences dégénératives tout comme les démences de type frontales (: la maladie de Pic, Atrophie non-spécifique, la démence associée à la sclérose latérale amyotrophique, la maladie à corps de Lewy diffus, la maladie de Huntington, la démence associée à la maladie de Parkinson, la paralysie sapra-nucléaire progressive, et les atrophies multisystèmes ( A. Pasquier, 1995; J. Touchon, F. Portet, 2002).
Traditionnellement, la dénomination « Maladie d’Alzheimer » était destinée aux démences préséniles (survenant avant l’âge de 65 ans), tandis que les dénominations « Démence de type Alzheimer » (DTA), ou « Démence sénile de type Alzheimer » (DSTA), étaient destinées aux affections survenant cliniquement après 65 ans. Étant donné que cette distinction basée sur l’âge n’était pas corroborée par des données épidémiologiques, il a été proposé d’unifier les formes préséniles et séniles de l’affection sous le nom de DTA, (D. Brouillet; A. Syssau, 1997). Il faut savoir que dans certains centres hospitaliers spécialisés en gériatrie, on préfère parler de DSTA; en ce qui nous concerne, pour ce travail qui ne se limite qu’aux personnes âgées atteintes de la DTA, nous préférons utiliser le plus souvent la dénomination « DSTA », afin de rester le plus précis possible.
La dénomination DTA (ou DSTA) traduit non seulement l’hétérogénéité de la maladie, mais elle met aussi l’accent sur le fait que le diagnostic de cette maladie n’est jamais sûr à 100%. En effet, pour que diagnostic de la MA soit réellement sûr, il faudrait pouvoir faire une biopsie, ce qui n’est pas envisageable à l’heure actuelle. Le diagnostic n’est par conséquent confirmé qu’après un examen neuropathologique (post mortem); et d’après de nombreux auteurs, il n’y aurait qu’un faible pourcentage d’erreurs de diagnostic, (D. Campion, D. Hannequin 2002).
C’est en 1907 qu’Aloïs Alzheimer, neuropathologiste allemand, met en évidence les deux types de lésions cérébrales qui caractérisent ce qu’on appelle aujourd’hui la MA (ou DTA, DSTA) : les plaques séniles et la dégénérescence neurofibrillaire, ( J. Touchon, F. Portet, 2002). Mais ce n’est qu’en 1984 qu’apparaissent les critères diagnostiques de la MA (NINCDS-ADRDA), et avec la révision du DSM III en 1987, apparaît le terme de « démence dégénérative primaire de type Alzheimer », distinguant les deux formes : présénile et sénile.
La Ma est une maladie hétérogène, on souligne son hétérogénéité pour des facteurs génétiques impliqués : les formes familiales qui sont caractérisées par un âge de début précoce, des troubles neurologiques plus complexes, et les formes sporadiques qui peuvent aussi s’éloigner d’un modèle classique (: âge de début précoce ou au contraire tardif, ayant une évolution rapide ou lente avec des signes frontaux ou neurologiques d’apparition précoce).
La MA résulte de la rencontre de deux processus dégénératifs différents : l’un, l’amyloidogènèse ou pathologie APP qui potentialise l’autre, la dégénérescence neurofibrillaire ou pathologie Tau. Ces deux processus dégénératifs (à l’heure actuelle irréversibles), tuent les cellules nerveuses :
- L’amyloidogènèse est la premier type de lésion qui correspond aux plaques séniles qui sont des dépôts d’une substance que l’on appelle substance amyloïde dont la nature biochimique est aujourd’hui connue des chercheurs. Cette substance se dépose progressivement dans la totalité du cerveau, et d’une manière plus prononcée dans la substance grise du cortex cérébral, une région où se situent les cellules nerveuses; elle va entraîner la mort des neurones, tout particulièrement de ceux qui sont impliqués dans les fonctions intellectuelles comme la mémoire, la lecture, l’écriture, le langage, la reconnaissance visuelle etc.
- Les neurones qui dégénèrent se remplissent de filaments pathologiques, il s’agit là du deuxième type de lésion. On appelle ce processus : la dégénérescence neurofibrillaire. On suppose que ce processus dégénératif démarre dans la région hippocratique qui est particulièrement impliquée dans la gestion de la mémoire, pour ensuite attaquer les régions corticales associatives, et enfin l’ensemble du cortex cérébral. Les signes cliniques commencent souvent par l’apparition de troubles mnésiques, puis de démence…
Aujourd’hui la plupart des scientifiques sont d’accord pour dire que le facteur de risque de la DTA est l’âge. Cela ne signifie certainement pas que l’âge provoque la maladie, mais que la maladie se développe lentement, et l’âge permet de mieux la révéler. Ceci étant dit, certains scientifiques se demandent tout de même si la DTA ne serait pas simplement un vieillissement accéléré ?… (D. Brouillet; A. Syssau, 1997). L’étiologie ainsi que le traitement de la DTA ne sont qu’en cours de recherche.
Les aspects cliniques de la DTA sont hétérogènes, d’autant plus qu’on distingue trois phases de la maladie : la phase de début, la phase d’état, et la phase terminale. La durée de la phase préclinique ou asymptomatique est impossible à préciser. Bien que nous soyons amenés à présenter les trois phases de la maladie, c’est la phase de début qui nous intéressera le plus particulièrement, car elle se rapporte au cas clinique nous étudierons ultérieurement.
- La phase de début : La DTA se manifeste le plus souvent par des troubles mnésiques qui se caractérisent par une aggravation progressive et irréversible, ces troubles représentent des symptômes révélateurs de la maladie dans 75 % des cas (J. Touchon, F. Portet, 2002).
Le langage écrit est aussi le plus précocement touché, et l’utilisation correcte des mots est erronée. En premier lieu, il y a une altération des capacités narratives, puis une dysorthographie et enfin un début de dysgraphie. Quant au langage oral, on souligne des hésitations, un manque du mot, des emplois de périphrases, des phrases avortées, et une diminution de la fluence verbale.
La désorientation de la DTA est très manifeste, les repères temporels et spacieux sont perturbés, et s’accompagnent de troubles intentionnels.
Les troubles cognitifs se résument à une tendance à l’isolement, à un désintérêt, une apathie, une irritabilité, et un désinvestissement des activités. Par ailleurs l’anxiété serait une des manifestations non cognitives les plus précoces de la DTA, et le syndrome dépressif serait dû à la conscience douloureuse de la dégradation intellectuelle. Nous verrons dans ce travail que cette conscience de la dégénérescence intellectuelle, mnésique, entraîne elle aussi des réactions psychiques diverses, voire des troubles psychiques très hétérogènes et non assez travaillés par les psychologues ou psychiatres…
- La phase d’état : Dans cette phase intermédiaire, les troubles de la mémoire, les troubles cognitifs ainsi que les troubles psychomoteurs sont de plus en plus importants. On parle alors de syndrome classique aphaso-praxo-agnosique. La personne devient de plus en plus dépendante.
- La phase terminale : Dans cette phase l’autonomie devient nulle, la communication n’est plus possible. Le décès survient 8 à 12 ans en moyenne après les premiers symptômes de la DTA.
Le Diagnostic de la DTA : Il existe deux critères diagnostiques de démence Alzheimer : le DSM IV (la démence s’appuie particulièrement sur des données cliniques), et le NINCDS-ADRDA (qui distingue trois niveaux de précision diagnostique : possible, probable, certain - s’appuyant particulièrement sur le MMS (voire annexe p 80).
C’est généralement en deux étapes que le diagnostic positif de la DTA est posé. On premier lieu, on parle d’un diagnostic de syndrome démentiel, puis celui de DTA. Le diagnostic de cette démence repose donc sur l’étude de la cognition et du comportement; la plainte est complétée par celle de l’entourage, étant donné que le patient peut parfois sous estimer ses troubles. Un certain nombre de tests neuropsychologiques pratiqués dans un lieu expert, ont un rôle fondamental dans l’orientation du diagnostic.
Sur notre lieu de stage, parallèlement à la participation à la Stimulation cognitive, nous avons aussi fait passer certains tests neuropsychologiques comme le MMS, le Grober et Bushke (voire annexe p108), l’Adass (voire annexe p85), les tests frontaux (voire annexe p90), et avons assisté à la passation du PEC (voire annexe p81)... Les tests ont pour but d’évaluer les différents types de mémoires, le langage, les troubles apraxiques, les activités gnosiques, et enfin les fonctions exécutives (les capacités de jugement, et de raisonnement).
Les examens complémentaires aident à renforcer le diagnostic comme le TDM cérébral (ou le scanner cérébral), l’EEG standard, le bilan biologique (NFS, VS, ionogramme, glycémie, créatinine). Ces examens peuvent être approfondis par l’IRM encéphalique, le SPECT, ainsi qu’un bilan biologique plus spécifique encore.
Les traitements médicamenteux au début de la DTA sont des médicaments cholinergiques (Lognex, Aricept, Exelon et Reminyl), ces traitements ont une action symptomatique; ils ont pour but d’améliorer le fonctionnement cognitif et les troubles psychocomportementaux. Les psychotropes sont prescrits uniquement lorsque les troubles psychocomportementaux s’aggravent. Quelque soit le traitement, il a pour but de ralentir le processus de dégénérescence.
La prise en charge du patient Alzheimer est globale. Parallèlement à une prise en charge médicamenteuse, il existe selon le stade de la maladie, et les hôpitaux ou institutions, diverses prises en charge non médicamenteuses comme la rééducation orthophonique, l’ergothérapie, l’atelier-cuisine, l’atelier chanson, la musicothérapie, la psychothérapie (individuelle, de groupe ou familiale), le psychodrame, la technique de relaxation, la rééducation cognitive… Ou encore la stimulation cognitive qui est par exemple proposée dans l’hôpital dans lequel nous avons fait notre stage.
Ces prises en charge ont chacune pour but de tenter de préserver le plus longtemps possible l’autonomie du patient, ou de lui permettre d‘exprimer ses difficultés…

2. Sémiologie des troubles mnésiques dans la maladie de type Alzheimer
A. Brève présentation des processus mnésiques
Lorsque nous abordons le sujet de la mémoire, la grande question qui se pose c’est de savoir si elle est un processus ou une structure; les recherches sont encore très controversées malgré les avances grandissantes sur la question. Nous ne nous impliquerons pas dans ce débat, et tenterons de rester généraliste. Une autre question se pose concernant la mémoire, c’est de savoir à partir de quelle position scientifique nous l’étudions, car en effet, elle est abordée sous divers angles : la biologie, la chimie, l’anatomie, la psychologie…
En neuropsychologie, depuis les années 60, la mémoire se divise en deux grandes parties : la mémoire à court terme et la mémoire à long terme. Cette division est largement acceptée, cependant ces deux mémoires ne constituent nullement un système unitaire, (Van Der Linden M., 1989).
- La mémoire à court terme (modélisation de Baddeley A., 1960) : Cette mémoire concerne la mémoire de travail (une entité décrite par Anderson en 1983), elle est aussi appelée mémoire primaire (Laurent B, 1983), elle comprend un administrateur central (système de contrôle de l’attention, autrement dit l’exécutif central), qui a pour but de stocker provisoirement une information, elle joue par ailleurs un rôle essentiel dans la lecture, la compréhension du langage et le raisonnement. En d’autres termes, l’administrateur central supervise la boucle phonologique et l’ardoise visuospatiale. La boucle phonologique a deux composantes : le stockage des sons du langage, et le contrôle articulatoire. L’ardoise visuospatiale s’appuie sur la perception visuelle et la production d’images mentales, (Gérard C-L, Wirotius J-M, 1996).
- La mémoire à long terme : Cette mémoire retient les informations pour une période plus ou moins longues. Elle englobe la mémoire épisodique, sémantique, le système de représentation perceptive, et la mémoire procédurale.
Pour plus d’informations, je me propose de reprendre la typologie simple de la mémoire que Gérard C-L, et Wirotius J-M., retrace dans « différentes procédures cognitives : sémiologie, exploration » p 3, n° 37-131-A-10, in Encyclopédie médico-chirurgicale :
« Mémoire à court terme : mémoire immédiate.
Mémoire de travail : gestion momentanée d’informations immédiates.
Mémoire à long terme : stockage durable.
Mémoire visuelle : mémoire des images.
Mémoire verbale : mémoire des mots, phrases, récits.
Mémoire déclarative : savoir sur quelque chose (verbalisable).
Mémoire procédurale : savoir faire quelque chose.
Mémoire épisodique (biographique) : souvenirs biographiques individuels.
Mémoire évènementielle : souvenir des évènements ayant marqué l’histoire.
Mémoire contextuelle : récupération dans le même contexte.
Métamémoire : stratégies mnésiques conscientes.
Mémoire sémantique : avoirs culturels partagés.
Mémoire incidente : sans chercher à mémoriser.
Mémoire intentionnelle : avec une mémoire active.
Mémoire prospective : calendrier mental ».

B. Les troubles mnésiques dans la DTA
Comme nous l’avons vu plus haut, les troubles mnésiques sont généralement décrits comme étant les symptômes les plus précoces de l’affection. Dans la DTA, les troubles mnésiques s’installent insidieusement, ils sont dégénératifs ainsi qu’irréversibles. Il est important de le rappeler pour la globalité du travail ultérieur, qu’aucun traitement ne permet de les prévenir, ni de les guérir.
Nous allons à présent étudier de plus près les systèmes mnésiques les plus affectés dans la DTA débutante : La mémoire épisodique, la mémoire de travail, et la mémoire sémantique.
- La mémoire épisodique est un système mnésique à qui appartient la capacité de stocker et de récupérer les expériences acquises dans un contexte spatio-temporel précis, ( B. Giffard, B. Desgranges, F. Eustache, 2001). Cette mémoire épisodique concerne notre histoire personnelle, des évènements personnels, importants ou anodins de notre vie. Soulignons qu’on distingue une mémoire épisodique à court terme et une mémoire épisodique à long terme. Dans la DTA débutante, c’est la mémoire épisodique à court terme qui est précocement affectée, (P. Dewarin, 1996). Le test neuropsychologique comme le Grober et Bushke (1987), permet de mettre en évidence le déficit marqué du rappel libre différé qui s’accompagne d’un taux d’oublis péjoratifs, de fausses reconnaissances, et d’intrusions, (C. Thomas-Antérion, 1997).
- La mémoire de travail est un système mnésique ultra court qui conserve momentanément (pas plus de deux minutes) des informations d’origine visuelle et verbale qui nous parviennent à chaque instant (et dont il fait le tri). Cette mémoire est aussi appelée « superviseur attentionné », elle est localisée dans le cortex préfrontal, (S. Belleville et al., 1995). Dans la DTA débutante, elle est altérée d’une manière récurrente, le sujet se retrouve constamment dans l’incapacité de traiter plusieurs informations simultanément pour les sélectionner, (C-L Gérard, J-M Wirotius, 1996). Les tests neuropsychologiques mesurent ces troubles à l’aide de la tâche d’empan verbal endroit et envers (A-S Rigaud, 2001).
D’autres systèmes mnésiques peuvent être plus ou moins altérés dans la DTA débutante, comme la mémoire sémantique, (pour certains sujets, c’est la mémoire sémantique qui est affectée en premier).
- La mémoire sémantique : c’est la mémoire des mots commune à une société (communauté), et qui sont des outils du langage. Cette mémoire se localise dans le néocortex. Des auteurs comme R.D. Nebes et al. (1989) disent que dans la DTA, il s’agirait des déficits d’accès aux connaissances au sein d’un stock sémantique relativement intact, tandis que d’autres auteurs comme Chertkow et al. (1989), soulignent une dégradation de l’organisation et de la structure de la mémoire sémantique d’une part et d’une perte spécifique et progressive des concepts et de leurs attributs d‘autre part. En 1991, Bandera M., et al., parlent de deux sous-groupes, regroupant la thèse de Nebes et al, et celle de Chertkow et al.
Les tests de mémoire se caractérisent autour des fluences verbales et catégorielles.

3. L’Étude du Narcissisme du sujet âgé dans la DSTA débutante
C’est à partir des entretiens cliniques, et tout particulièrement à partir de la SC que nous avons été amenés à réfléchir autour d’un possible conflit narcissique provoqué par la perte mnésique rencontrée dans la DSTA débutante. Par conséquent comment séparer notre théorie de la partie clinique ?…
Nous avons pu lire dans divers ouvrages quelques lignes décrivant la réaction des patients qui soit se résume à un état tragique (Bizien M-F. et al, 1987; Grosclaude M., 1987), soit à un état opposé d‘indifférence, de retrait (Rigaud A-S, Forette F, 1997) aussi unifié que le premier; autrement dit nous avons souvent à faire à une description qui tend à dire que soit tous les patients sont face à un « séisme psychique » non « élaborable » sans l’aide du psychologue, soit qui tend à dire que tous les patients font un retour au « narcissisme secondaire » (J. Gerbeaud, 1987), se contentant de leurs souvenirs; c’est d’ailleurs la dernière description - à savoir un retour au « narcissisme secondaire » - que nous trouvons le plus souvent dans la littérature, et cela sans précision, autrement dit on ne sait jamais si l’on parle de la phase de début de la maladie, de la phase d’état, ou encore de la phase terminale, et surtout de qui parlons nous exactement ?…
La confrontation à l’hétérogénéité des faits psychiques liés à la maladie dans la clinique et les références théoriques unifiées et simplifiées sur ce même sujet, nous a amenés à de nombreuses incompréhensions et confusions, jusqu’au moment où il nous a semblé nécessaire de nous baser avant tout sur l’observation clinique sans tenir compte de la littérature pour un certain moment. C’est pour cette raison que pour cette partie, nous nous trouvons dans l’incapacité de scinder la théorie de la clinique…
La clinique nous a simplement permis de nous rendre compte que les patients ambulatoires atteints de la DSTA débutante, (qu’ils participent à la stimulation cognitive ou qu’ils viennent à l’hôpital pour une réévaluation de la mémoire), n’ont pas tous le même rapport à leur démence débutante; la perte mnésique qui est au premier plan peut être vécue aussi bien avec une certaine indifférence, qu’avec une souffrance de divers degré… Cette hétérogénéité des réactions et d’adaptations sous nos yeux depuis des mois, nous a permis de nous diriger vers un travail autour de l’étude du narcissisme, plus précisément autour d’un éventuel conflit narcissique provoqué par la perte « d’objet-mémoire » dans la DSTA débutante, et de mettre ainsi en évidence l’hétérogénéité des faits psychiques liés à la maladie. Nous nous sommes intéressés à une patiente en particulier, qui pour nous serait figée dans un état de catastrophe, ne pouvant fondamentalement pas accepter son état, et se lassant entraîner dans une lutte effrénée contre des troubles irréversibles, dans un cadre telle que la stimulation cognitive. Notre hypothèse principale s’appuie sur cette problématique : Nous supposons que derrière une présence assidue à la SC, se manifeste de la part de cette patiente une volonté de colmater des failles irréversibles. Ceci nous mène à réfléchir sur une problématique narcissique. Nous voyons la SC comme un mécanisme de défense contre une blessure narcissique insurmontable, un espace d’illusion autour de l’idéal du Moi…
Avant de nous lancer dans ce sujet, nous nous intéresserons au concept du narcissisme, un concept primordial en psychanalyse. Étant donné, qu’il est sujet à de nombreuses études et contradictions, nous nous trouvons dans l’incapacité d’évoquer les diverses thèses afin de ne pas nous impliquer dans un débat qui à lui-même deviendrait un sujet de recherche… Nous décidons de nous appuyer tout particulièrement sur la position freudienne. Ceci étant dit, nous serons aussi amenés à évoquer d’autres auteurs dont les contributions au concept du narcissisme sont enrichissantes.
A. Le narcissisme selon les sources Freudiennes
Le terme de narcissisme en psychanalyse s’inspire de la mythologie grecque… D’une manière simpliste, il se définit par l’amour que l’on porte à l’image de soi-même dans ses différentes modalités. H. Avelock Ellis est le premier, en 1898, a utiliser l’expression de narcissus like, pour caractériser une forme pathologique d’amour de soi. Un an après, en 1899, c’est P. Näcke qui décrit le narcissisme comme une perversion sexuelle dans laquelle l’amour du sujet s’adresse à son corps propre. Le terme est repris dans une note de 1910 ajoutée dans les Trois essais sur la théorie de la sexualité, et est mis en relation avec l’homosexualité pour la première fois. Puis en 1911, ces idées sont reprises dans « Remarques psychanalytiques sur l’autobiographie d’un cas de paranoïa : le Président Shreber », où il explique le rôle des désirs homosexuels dans la genèse de la paranoïa, il formule une régression au stade narcissique allant jusqu’à l’abandon total de l’amour objectal et à la reprise d’un mode de satisfaction auto-érotique infantile. Enfin en 1914, dans « Pour introduire le narcissisme », Freud avance que le stade narcissique fait partie du développement de tout être humain, et que seul une fixation prolongée à ce stade nous permettrait de parler d’un narcissisme pathologique, ( Begoin J., Antonio Loren J., Guillem P., Orozco E., 1991).
Comme nous le savons, la libido est le support représentatif dont Freud a besoin pour expliciter les manifestations psychiques, tout particulièrement en terme de dynamique, nous savons également qu’elle est une force psychique, mais ce qui est important à souligner c’est que c’est en étudiant le narcissisme que toute son importance va être mise en évidence.
En premier lieu, Freud distingue deux groupes de pulsions : les pulsions d’auto-conservation qu’on appelle également pulsion du Moi auxquelles se rattache un intérêt distinct du sexuel, et les pulsions sexuelles auxquelles se rattache la libido, (rappelons que pour Freud la sexualité va au delà de la génitalité de l’accouplement). La libido est le véhicule des pulsions sexuelles, c’est à dire une dépendance que le Moi affecte aux objets de ses tendances sexuelles, une satisfaction par le moyen de ces objets; quant aux pulsions du Moi, elles regroupent les autres dépenses d’énergie ayant leur source dans les instincts de conservation (faim, soif, etc). La libido va en fait permettre à Freud de définir et comprendre les mécanismes des névroses et des psychoses, et « élucider » certains mystères du fonctionnement du Moi, (P. Dessuant, 1983).
Freud différencie la libido du Moi de la libido d’objet, il formule que la libido peut à la fois investir un objet - on parle alors de libido objectale - et investir le Moi - on parle alors de libido du Moi ou libido narcissique. Dans la démence précoce par exemple, (stade précoce de la schizophrénie), la libido ne peut se fixer aux objets et retourner vers le Moi, coupant ainsi le patient de la réalité.
Freud avance l’hypothèse que le narcissisme est en fait une composante naturelle du psychisme comme structure et comme génératrice de ses productions, (A. Eiguer, 1994). Il désigne ce narcissisme sous le nom de « narcissisme primaire », un état précédant l’unification du Moi tel qu’il existe durant la vie fœtale et à l’aube de la vie, un moment où le sujet n’est pas encore différencié de l’objet, autrement dit ce narcissisme concerne le stade anobjectal.
C’est en s’intéressant aux patients atteints de la démence précoce (Kraeplin) et de schizophrénie (Bleuer) que Freud regroupe sous le terme de paraphrénie, déduit l’état originaire de la libido. Il parle d’un « état originel du Moi dans lequel celui-ci, tout entier investi par la libido relèverait de l’omnipotence absolue, cet état précoce où l’enfant investit toute sa libido sur lui-même ». Cet état de toute puissance doit dans un développement normal laisser place au « narcissisme secondaire » qui quant à lui désigne un retour de la libido sur le Moi, une libido qui est soustraite aux investissements objectaux (comme dans la démence précoce par exemple). Ce stade implique l’introjection de l’objet et l’identification à celui-ci. C’est uniquement lorsque l’amour de la mère est intériorisé, reconnu dans son altérité que l’enfant va pouvoir s’aimer comme il a été aimé : c’est le fondement même de l’estime de soi, (A. De Mijolla et al., 1996).
Selon Freud lorsque la libido s’accroît, la libido du Moi diminue et vis et versa - le narcissisme « sain » se trouve dans un équilibre des deux libido.
Comme nous pouvons le constater c’est avec « Pour introduire le narcissisme » que le narcissisme devient un phénomène libidinal de portée générale, occupant une place capitale dans le développement sexuel régulier de tout être humain.
A ce moment Freud distingue deux types de névroses : les névroses de transfert (la libido est transférée sur le psychanalyste), et les névroses narcissiques (la libido est entièrement investie sur le Moi). Il est bien entendu inutile de préciser que ces dénominations ne sont plus d’actualité, nous disons aujourd’hui névroses (TOC, troubles obsessionnels, hystérie) pour les névroses de transfert; et psychoses (bouffées délirantes aiguës, schizophrénie, délire paranoïaque, psychose hallucinatoire chronique, paraphrénie) pour les névroses narcissiques.
Étant donné que l’accès direct au narcissisme est très difficile et profondément complexe, Freud l’élabore à travers l’étude analytique des psychoses, de l’hypocondrie, de la maladie organique, du sommeil, et de la vie amoureuse de l’homme. Il nous est bien évidemment pas possible de nous attarder sur cela; nous développerons plus loin l’étude du narcissisme à travers la DSTA débutante. Mais avant cela, il est primordial de continuer la présentation du concept du narcissisme autour de l’idéal du Moi, car il s’agit là d’un concept inhérent à l’étude du narcissisme, et que nous serons amenés à utiliser tout au long du mémoire.
En psychanalyse, l’idéal du Moi est une expression qui désigne une instance psychique. Comme nous le savons l’organisation de l’appareil psychique se divise en trois instances : Le Ca, le Moi, et le Surmoi. La fonction de l’idéal du Moi se présente dans les relations objectales où les relations avec autrui sont une sorte de fondement du Moi. Le caractère du Moi résulte du refoulement, et les processus d’identification sont au centre même de la compréhension de l’histoire personnelle d’un sujet. L’idéal du Moi est une identification (« l’empreinte de la préhistoire personnelle » selon Freud ) qui s’effectue dès les premiers pas de l’évolution, elle est un ensemble de modèles infiltrés d’un environnement personnel : familial, social, et culturel.
Rappelons que l’étude du Narcissisme permet à Freud de dire que « le Moi se prend pour objet d’amour », qu’il s’exerce pour lui, une réciprocité entre la libido d’objet et la libido narcissique. L’objet est lié au sentiment d’amour, et permet la formation de l’idéal, le Moi étant rattaché à l’idéal, renforce le narcissisme. Reprenons à présent la définition de l’idéal du Moi de Laplanche et Pontalis, « Instance de la personnalité résultant de la convergence du narcissisme (idéalisation du Moi) et des identifications aux parents, à leurs substituts et aux idéaux collectifs… Modèle auquel le sujet cherche à se conformer », ou encore comme le dit P. Dessuant, dans Narcissisme, p39, « C’est vers un idéal qui s’élabore sous l’influence des rapports objectaux et grâce à la projection du narcissisme sur les parents ou les éducateurs que se trouvera une partie de la libido narcissique. C’est l’idéal du moi choisi comme modèle que l’enfant tendra à se conformer. L’origine de l’idéal du moi étant essentiellement narcissique, il est classique d’en faire, selon la formulation même de Freud, l’héritier du narcissisme ». Lorsqu’une personne atteint des idéaux pour lesquels elle lutte, elle éprouve un sentiment de contentement et d’orgueil; mais peut que se passe-t-il lorsque ce n’est pas le cas ? Avant de terminer ce sous chapitre, nous nous proposons d’évoquer la distinction entre le Surmoi et l’idéal du Moi en quelques lignes. En effet, on distingue l’idéal du moi et le surmoi par le fait que le premier se construit à partir des exigences intériorisées, et le second se constitue à partir des interdits intériorisés. Quant au Moi idéal, c’est un idéal de toute-puissance narcissique qui se fige sur le modèle du narcissisme infantile…

B. L’étude du narcissisme dans la DSTA débutante : Étude d’un narcissisme souvent simplifié cependant complexe et non unitaire
a. L’étude du narcissisme du vieillissement dit normal
Il convient de rappeler que très peu d’études psychanalytiques, psychologiques ou psychiatriques ont été réalisées autour du vieillissement, et encore moins sur l’étude du narcissisme durant le processus du vieillissement. Nous ne pensons pas qu’il soit si simple de décrire le narcissisme de la personne âgée comme un retour au narcissisme secondaire… L’observation quotidienne nous montre un tableau d’un vieillissement sous diverses modalités; pour quelle raison l’étude du narcissisme quant à elle ne nous montrerait-elle pas, elle aussi un tableau plus complexe ?
Pour illustrer notre propos, nous commençons par citer l’ouvrage Psychanalyse de A. De Mijolla et al., où à la page 522-523, nous pouvons lire au sujet du narcissisme du « vieillard » la chose suivante : « Le vieillard ne se pose plus la question du qui suis-je ? Il pense avoir acquis la sagesse qui lui permettra d’être aux plus jeunes un modèle. Il détient la réponse, il pourrait être le sphinx (…). Il est détaché réellement ou imaginairement de son investissement et survit dans la mesure où il investit narcissiquement cette indifférence comme expression de sa puissance ». Même s’il est vrai que ce cas de figure existe aussi bien dans le vieillissement normal que pathologique (certains donne exactement la même définition du patient dément) (J. Gerbeaud, 1987), il ne nous semble pas qu’il soit représentatif de toutes les personnes âgées. Nous y reviendrons plus loin afin d’argumenter notre propos.
Nous verrons que la psychanalyse est elle aussi face à un phénomène nouveau : le nombre grandissant des personnes âgées, qui crée une situation « inconnue ». Force est de constater que généralement à l’heure actuelle les travaux effectués sur ce sujet ne décrivent qu’une sorte de régression au narcissisme secondaire sans rentrer dans les détails, sans réel argument qui se baserait sur un étude de cas clinique…
Nous voulons commencer par supposer comme Guillaumin (1982), qu’il n’est pas possible de parler d’une vieillesse, mais des vieillesses qui donnent aux sujets des modifications physiques et psychiques différentes (défaillances, défauts de capacités, déficits, handicaps parfois, de diverses sortes et diverses ampleurs). Ce qu’il y a de réellement en commun dans le vieillissement ce sont les changements existentiels comme la perte d’un statut professionnel et la perte d’êtres… Il est fondamental de mettre en évidence que chaque individu vieillissant réagit à ses pertes selon son histoire, sa personnalité et son organisation psychique. Les pertes auxquelles le sujet fait face peuvent générer une crise intérieure et réactiver les difficultés et blessures antérieures. Nous pensons qu’il peut s’agir d’un véritable remaniement du monde interne, au même titre et aussi complexe que ce que les autres tranches d’âge peuvent avoir à faire…
Sur quoi pouvons nous nous baser, dans notre posture psychanalytique, pour étudier cette évolution de la psyché ? L’étude du narcissisme peut nous amener à comprendre divers aspects de cette évolution, et peut nous aider à mettre en évidence la complexité des remaniements internes des personnes vieillissantes. Comme chacun de nous le sait, une crise déstabilise, mais elle génère aussi une évolution, un renouvellement qui dépendent fondamentalement de la solidité de l’appareil psychique. La grande question qui se pose est la suivante : le Moi, ou plus exactement l’idéal du Moi peut-il ou ne peut-il pas faire face aux diverses pertes liées à la période de sénescence ?…
En effet, aussi bien pour l’adulte que pour la personne âgée, la question reste finalement la même : Le sujet est-il capable de s’adapter, d’effectuer des remaniements intérieurs nécessaires et prendre du plaisir à rester ouvert à autrui ? Nous ne pouvons répondre à cette question d’une manière unifiée, que cela soit pour les adultes ou les personnes âgées. Nous ne rejoignons par conséquent pas le point de vue de Freud sur l’étude du narcissisme de la personne âgée reformulé dans Psychanalyse. (il convient de rappeler que même Freud n’avait nullement longuement étudié la psychologie des personnes âgées).
Nous pensons qu’il est plus juste de parler « de crise évolutive » , comme Guillaumin qui dans « Le temps et l’âge, Réflexion psychanalytiques sur le vieillir » écrit que le vieillissement est « Une dernière occasion de travail psychique face à la survenue de traumatismes désorganisateurs » p 133-143, , ou encore « Une rencontre décisive avec soi-même » de ce que vieillir engendre chez telle ou telle personne. L’auteur évoque le « désetayage grave de la personne âgée par le social », l’équilibre psychique est mis dans une difficulté et en raison de la rupture narcissique possible générée par la perte des rôles sociaux valorisants, peut se produire une décompensation du sujet. Guillaumin parle de différents profils de vieillards, il y a ceux qui laissent la détérioration régressive envahir l’intérieur du Moi, tout en protégeant le noyau interne; il parle de « petit oasis interne » qui en fait prend la forme de pare-excitation ou de vie imaginaire par procuration; ou encore de Moi secret dans lequel le jugement, la pensée et le désir se maintiennent vivaces.
Pour J. Bergeret (1982), le sujet âgé revit une nouvelle crise d’adolescence, en traversant la période de sénescence, il s’agirait là d’un « mouvement pulsionnel inverse » à celui qui est rencontré lors de l’adolescence. Selon lui, les réaménagements que la personne âgée est amenée à faire pour réacquérir un équilibre interne sont opérés parfois au profit du pôle narcissique, autrement dit les satisfactions sont généralement centrées sur le Moi, ce qui s’accompagne d’un repli sur soi. Ce qui semble intéressant à noter c’est que Bergeret met aussi l’accent sur la diversité d’adaptation ou non adaptation face à la période de sénescence. Selon lui les failles antérieures ainsi que les carences narcissiques peuvent amener le sujet à une « confusion identitaire », qui peut « dérailler » sur une décompensation psychique.
C. Balier (1979) quant à lui met l’accent sur la notion de narcissisme. Il apporte une hypothèse que nous partageons et sur laquelle nous nous appuierons tout particulièrement pour la suite de notre travail, à savoir que durant la période d’entrée de sénescence, c’est le narcissisme du sujet, autrement dit le narcissisme de base, nécessaire à l’équilibre psychique, qui est remis en cause… Le sentiment d’identité dépend de la solidité de ce narcissisme de base; la remise en question de l’image et de l’estime de soi peut à tel point être remis en cause que cela peut engendrer une crise narcissique.
Si nous nous intéresserons aux travaux de H. Bianchi (1988), nous constatons que cet auteur amène un autre point de vue qui nous semble aussi très pertinent, et qui peut amener à remettre en question les préjugés concernant la psychologie des personnes âgées. L’auteur se refuse de parler de stade du vieillissement, étant donné que diverses voies peuvent être empruntées par le Moi pour faire face à la perspective de la mort. C’est l’incapacité à faire face aux pertes dues à cette période de la vie qui peut amener à une régression, autrement dit un processus qui utilise un retour à un état primitif pour protéger le Moi. Le sujet est constamment à la recherche d’une dépendance, un retour à un attachement primaire que lui rappellerait celui de l’enfant vis à vis de ses premiers objets d’amour. La régression risque d’entraîner la personne âgée vers la grabatisation. Il distingue d’une manière générale deux voies possibles : l’une régressive, l’autre élaborative…
Enfin D. Quinodoz (1993) évoque lui aussi un point de vue pertinent et que nous partageons et développerons dans la dernière partie de ce mémoire, à savoir que certaines personnes, face à l’entrée de la période de sénescence morcellent leur propre histoire et se figent, afin d’éviter de prendre conscience que l’existence a une limite; comme le dit l’auteur, derrière cette attitude se cache une lutte contre l’angoisse de la mort… Alors que vieillir est un travail de deuil, certains sujets sont aux prises avec le fantasme d’infini (que nous travaillerons sous le nom de fantasme inconscient d’immortalité - Freud-), ce qui ne va certainement pas sans créer des conséquences dans le vie quotidienne…

b. L’étude du narcissisme face aux pertes mnésiques rencontrées dans la DSTA débutante
S’il est difficile de trouver une littérature sur l’étude du narcissisme durant l’entrée dans la période de la sénescence, ou durant la sénescence; il est quasi impossible de trouver des références concernant le même sujet dans la DSTA débutante; tout ce que nous avons pu lire ne sont que des fragments d’études qui ne nous ont pas réellement aidés à la compréhension de la réalité clinique. Ceci étant dit, nous avons pu lire quelques ouvrages sur lesquels nous avons pu nous baser pour cette partie théorique.
En premier lieu il est nécessaire d’évoquer le concept de conscience dans la DSTA débutante, nous pensons d’après notre observation et comme C. Rozotte , M. Grosclaude, P. Meire, M. Péruchon, I. Simeone et bien d’autres encore, que les patients atteints de la DTA (tout au moins dans la phase de début qui peut durer quelques années) sont conscients de leurs déficits mnésiques et autre, (mais sont généralement plus sensibles à la perte mnésique). Ce concept de conscience est extrêmement important à mettre en évidence, car c’est à partir d’une conscience que l’on peut élaborer une étude sur les remaniements intra psychiques, les adaptations, et sur un éventuel conflit narcissique… Soulignons à nouveau que la DSTA est souvent vécue comme étant tout d’abord la maladie de la mémoire, et annonciatrice d’une déshumanisation avant la fin ultime… Certains s’y adaptent plus ou moins difficilement, d’autres ne peuvent non seulement pas accepter cet état, mais en plus, tentent farouchement de lutter contre.
C. Rozotte souligne dans « Le concept de conscience, au cœur des représentations sociales de la maladie d’Alzheimer, études des théories subjectives de l’intériorité psychique du patient », qu’ « A un niveau symbolique ce processus pathologique a pour principale fonction de remettre en cause le principe de dignité et de responsabilité de la personne humaine qui repose avant tout sur le concept de conscience » p159-174. Il s’agit ici du « concept ontogénique » au sens de Lechevalier (in Gérontologie et Société, 1990, p17), pour définir la « connaissance de l’être qui progressivement se construit pour devenir un individu unique inscrit dans le « étant dans le monde ». La conscience se définit aussi par la pensée : « la conscience s’oppose à la matière et donc au corps, ce qui rejoint l’opposition symbolique entre le corps et l’esprit propre à la culture occidentale et à sa médecine » p162. Dans la DSTA débutante, le patient est témoin de sa propre dégénérescence.
Une question se pose donc dans notre posture psychanalytique : Du point de vue narcissique, que se passe-t-il face à un processus affectant les fonctions cognitives et tout particulièrement la mémoire ?
Il nous semble essentiel de préciser que d’un point de vue psychanalytique, travailler autour d’un éventuel trouble psychique lié aux pertes de la mémoire dans la DSTA débutante ne signifie pas que selon nous la démence est une décompensation psychique comme le défendent certains auteurs comme M.Cariou ou J. Maisondieu… Ceci étant dit, nous partageons leur position lorsqu’ils disent que le sujet atteint de la DSTA débutante ne peut-être déclaré hors-sujet de lui-même, ni de hors-sujet de l’inconscient. L’inconscient de ce patient est accessible à la psychanalytique. Cette étude psychanalytique peut d’ailleurs apporter une contribution fondamentale dans la compréhension de l’intériorité psychique d’un patient alzheimer (P. Charazac, 1997). La diversité de la parole démentielle, les diverses attitudes démentielles et la résonance affective et symbolique ne peuvent nous amener à faire « l’économie du sens, au sein de cette subjectivité plus ou moins altérée, et au regard du dévoilement de l’inconscient », ( p 133, in « A la recherche des fondements du face à face psychothérapique avec le patient dément », in Psychothérapies des démences, quels fondements ? Quels objectifs ? »).
Comme G. Joubert (1997), nous partons du fait que la DSTA atteint le narcissisme individuel, et nous entraîne au cœur de la transmission psychique et de la problématique du deuil.
Dans ce travail, nous allons tenter de répondre aux questions suivantes qui touchent de près l’étude du narcissisme : Les patients atteints de la DSTA débutante, sont-ils tous traversés par une problématique d’existence ? La DSTA provoque-t-elle pour tous un repli narcissique ou encore un conflit narcissique insurmontable ?… Ont-ils tous à faire face à une « agonie primitive », (Grosclaude, 1997) ? En ce qui concerne les patients pour lesquels (comme notre étude de cas), cette perte d’ « objet-mémoire », pilier de l’identité, est vécue comme une véritable catastrophe, quels sont les mécanismes de défense qui peuvent être mis en place pour refermer la blessure narcissique ? Que peut-on essayer de voir au delà de ce refus de la réalité ?…
La DSTA débutante soulève la complexe question du trauma et les possibilités d’élaboration mentale. Nous partageons l’hypothèse de M. Péruchon qui dit que cette élaboration dépend du bon fonctionnement de l’appareil psychique, en fonction des défenses et des ressources psychiques restantes.
Quoiqu’il en soit la DSTA ébranle l’estime de soi, le narcissisme que chacun à en soi, et plusieurs voies s’offrent aux patients… La voie empruntée par notre cas clinique est celle d’un véritable refus de perdre « l’objet-mémoire », le refus est tel qu’il semblerait traduire un conflit narcissique… Venir à la stimulation cognitive est pour cette patiente une démarche pour guérir de la maladie, de retrouver l’objet à jamais perdu.
Au delà de la crise psychologique à laquelle chaque personne âgée est plus ou moins confrontée, la DSTA débutante est une blessure narcissique en plus à affronter… Nous pensons donc que certains patients montrent une incapacité à s’adapter à cette blessure narcissique et ne peuvent effectuer les remaniements intérieurs nécessaires afin de continuer à vivre avec la perte « d’objet-mémoire ». Ce que nous tenterons d’envisager dans ce travail c’est que ces patients là ne régressent pas forcément au narcissisme secondaire au sens stricte du terme, elles régressent certes dans une sorte de toute puissance (la volonté de retrouver l’état d’avant), mais elles restent très ouvertes au monde, elles en sont même extrêmement dépendantes. Le travail psychique est biaisé, et l’évolution interne connaît une rupture; le déclin qu’amène la DSTA et derrière cela le verdict d’une mort déshumanisée (loin d’être celle que le commun des mortels souhaiterait) est d’une très grande violence psychique. Pour se protéger des mécanismes de défense seraient mis en place pour protéger le Moi, et l’idéal du Moi, l’héritier du narcissisme; et cette posture pourrait se révéler pathologique… En effet pour ces cas de figures, nous pourrions parler d’un conflit narcissique.
Les bouleversements corporels, identitaires et l’annonce d’une dégénérescence ébranlent les investissements narcissiques et remettent en cause les « bases » de l’idéal du Moi, un Idéal du Moi qui selon nous (contrairement à certains auteurs) est toujours d’actualité, car la réalisation de soi ne se conjugue pas uniquement au passé… Nous soutenons le fait que c’est au narcissisme que revient la capacité de résister à la dépréciation de soi entraînée par la DSTA. Seulement, pour quelles raisons les sources du narcissisme se montrent-elle défaillantes pour certains patients ? Il ne sera certainement pas possible de répondre à cette question, car y répondre exigerait de nombreuses autres études; mais nous pouvons supposer comme Balier qu’il y a peut-être une fragilisation de l’intériorisation des imagos parentales ( celle intériorisation qui a pour but de jouer un rôle durant toute la vie dans la constitution et le maintien de l’identité). Le travail de deuil dans ce cas de figure relève presque d’un deuil pathologique, l’idéal du Moi se trouve dans l’incapacité de se modifier… Cette perte « d’objet-mémoire » joue sur les investissements narcissiques et provoque un remaniement des instances qui déraillent… La position de Bion est intéressante à souligner concernant cette question, car il semble mettre l’accent sur l’acceptation ou la non acceptation du sujet vivant une mutation psychique. Il nous semble nécessaire d’associer à cette dimension celle de pouvoir ou de ne pas pouvoir être en mesure de supporter des réaménagements psychiques causés dans la DSTA, qui inévitablement interroge le patient comme nous l’avons déjà dit, au plus profond de son identité, son estime de soi, et de sa relation à l’autre.
Il est important de souligner à nouveau que ce n’est nullement par orgueil, mais par manque de références que nous avons été amenés à puiser la clinique, et proposer ce travail « théorique » (une tentative d’hypothèse) personnel, inspiré de fragments d’études concernant le sujet en question…


















II. PRESENTATION DU CAS CLINIQUE ET DEROULEMENT DE DEUX SEANCES DE « STIMULATION COGNITIVE »
1. Madame I, 75 ans, patiente ambulatoire, atteinte de la DSTA débutante
Avant de présenter le cas clinique et de décrire le déroulement de la SC, nous voudrions présenter l’hôpital B. en question en quelques mots : il s’agit d’un hôpital de jour publique, spécialisé en gériatrie. Une grande partie de l’hôpital est destinée au long séjour, et une autre partie à l’accueil des patients ambulatoires souffrant de troubles mnésiques pour diverses raisons.
Notre cas clinique est Madame I., âgée de 75 ans, de niveau Brevet. Elle a travaillé en tant que secrétaire jusqu’à l’âge de 65 ans. La patiente et son époux (très protecteur), sont tous les deux d’origine italienne, mais ont grandi en France. Ils ont deux enfants, et une petite fille qu’ils voient assez régulièrement. La patiente n’a jamais eu de problèmes neuropsychiatriques dans le passé. Lors des entretiens, elle évoque un passé difficile dû à ses traditions italiennes strictes; elle dit s’être sentie prisonnière d’une mère très traditionaliste avec laquelle elle ne s’entendait guère. Une fois mariée, elle a désiré ne rien transmettre de ses traditions à ses enfants, et leur a laissé une « trop grande liberté »…
C’est au début de l’année 2000 que Mme I commence à se plaindre de sa mémoire. En octobre 2000, elle consulte à l’hôpital SP, où on lui fait un examen tomodensitométrique cérébral qui ne montre qu’un élargissement modéré des sillons de la convexité supérieur. Par la suite le médecin généraliste lui propose de consulter un hôpital expert en gériatrie et dans la prise en charge des troubles mnésiques : l’hôpital B.
Toujours en octobre 2000, Mme I passe les examens suivants à l’hôpital B., : l’examen clinique ECG, un bilan biologique (NFS, plaquette, US, gammagt, TSH, vitamines B12, folates plasmatiques et érythrocytaires), et le scanner cérébral.
Les examens neurologiques ne révèlent pas de déficit moteur, ni sensitif, par ailleurs, il n’y a pas de signes pyramidaux type signe de Babinski, pas de signes pseudo balbaires, pas de signes visuels ou oculaires, pas de signes cérébelleux, pas de signes extra-pyramidaux, et pas de signes frontaux.
Quant aux tests neuropsychologiques, le score au MMS de Folstein est de 22/30 avec un trouble du rappel différé et une apraxie constructive débutante. Il existe également des troubles de la mémoire sémantique. Le score au PEC de J. Rotrou (qui est systématiquement passé à la place du Grober et Buscke, car selon l’hôpital, il serait plus sensible que ce dernier), est à 36/100, il est de nature organique et pathologique, tandis que les plaintes mnésiques restent modérées. On trouve un léger manque du mot en dénomination et une atteinte mnésique en rappel immédiat et différé. Mme I ne bénéficie que partiellement de l’indiçage, les stratégies de récupération des informations sont inopérantes. Il existe également une atteinte de la mémoire visuo-spatiale et des éléments organiques à type de persévération, d’intrusion et d’interférence.
Le bilan orthophonique quant à lui, montre un déficit lexique-sémantique qui est assez bien compensé dans l’ensemble; et les fluences verbales sont très réduites. La compréhension orale et écrite est perturbée par une sensibilité à la longueur et à la complexité syntaxique. L’écriture et le calcul sont corrects. On note par ailleurs des troubles cognitifs : des troubles de l’attention, du raisonnement, une tendance à persévérer, et un oubli à mesure.
Nous pouvons lire dans le bilan médical que les facteurs de risques cardio-vasculaires sont : HTA légère (PAS 140-159 ou PAD 90-99).
Les troubles mnésiques de Mme I ont un retentissement dans la vie quotidienne depuis environ un an. Elle s’est par exemple perdue alors qu’elle était près de chez elle, elle connaissait parfaitement bien l’endroit; Mme I devait se rendre chez son coiffeur mais ne put retrouver le chemin exact; la patiente réussit tout de même à rentrer chez elle. Refusant cet état, elle se lance un défit et sort à nouveau pour se rendre au même endroit, mais encore une fois elle se perd. Depuis cet événement, elle utilise rarement les moyens de transport de peur de se perdre à nouveau. A l’examen clinique, l’orientation est néanmoins correcte même si elle ne sait plus dans quel département elle se trouve. Mme I sait calculer, s’occupe personnellement des prises de médicaments, et gère son budget d’une façon autonome. Si on lui demande qui est le président de la République, elle sait y répondre sans hésitation, (aujourd’hui Mme I n’a plus cette autonomie).
L’entretien avec la psychiatre met en évidence une notion d’attaque de panique avec oppression thoracique, une irritabilité, des idées délirantes avec des idées de préjudices sans notion d’hallucination. Le mari partage l’avis du psychiatre, Mme I a beaucoup d’idées noires et pense que tout le monde lui en veut. Le psychiatre lui prescrit le Zoloft et le Seropram.
En décembre 2000, après une synthèse, le diagnostic de type Alzheimer est posé et un traitement thérapeutique anticholinestérasique est proposé, ainsi que la participation à la Stimulation cognitive.
En Mars 2001, l’interrogatoire permet de mettre en évidence une symptomatologie anxio-dépressive avec rumination d’idées noires, et une tristesse apparente. Cependant le sommeil nocturne est conservé et la patiente s’alimente normalement. Il n’y a pas de troubles sphinctériens. Les antécédents familiaux se résument à des troubles mnésiques chez sa mère à l’âge de 65 ans, ses troubles n’ont pas été rattachés à un diagnostic précis. Ses antécédents personnels sont une HTA essentielle légère, un glaucome bilatéral traité au laser en 1984, une hernie hiatale, une discopathie dégénérative L5-S1, un zona abdomino-lombaire droit en mars 1999, une diverticulose clonique (colon ascopie en juillet 1999), une ovariectomie gauche pour un kyste bénin en 1954, une exérèse de polype rectale villeux, de nodules intra-muqueux carcinomateux. En 1985, il est question d’une exérèse de cholestéatome à l’oreille droite en 1989. La patiente ménopausée vers 50 ans a débuté un traitement hormonal substitutif en 1992 associant Oestrogel et Duphaston qu’elle a pris jusqu’au 1998.
Son traitement médicamenteux en Mars 2001 est le suivant : Célérité (1cp/jours), Lasilix (1cp/jour, 5/7 jours), Olmifon et depuis deux mois un traitement antidépresseurs par Anafranil.
A l’examen clinique, elle a un bon état général. Sa tension artérielle en position couchée est à 141/80 mhg avec FC à 73/mn. Il n’y a pas d’hypotension orthostatique; son poids est de 56 kg. L’examen cardiovasculaire et neurologique est sans particularité. L’examen à l’appareil loco-moteur retrouve une douleur de l’épaule droite, notamment à l’adduction et à l’anté-pulsion avec une irradiation au bras.
En juin 2001, Mme I est traitée par Aricept 10mg/jour depuis le 06/12/00, et a une bonne tolérance au traitement. La patiente semble dépressive mais l’interrogatoire révèle une prise irrégulière du traitement antidépresseur Zoloft. Le MMS est de 26/30 (plus 4 points en quelques mois, avec amélioration de l’orientation dans le temps et un meilleur score au rappel différé). En revanche le score au test ADAS est resté stable à 10.41/70. Le Zoloft et l’Aricept sont renouvelés.
En Février 2002, Mme I se sent encore déprimée, et d’après son mari elle est encore très angoissée par son état, son angoisse est très lourde à gérer selon lui. La dose de l’anti-dépresseur Zoloft est augmentée à 2cp/jour. Le sommeil nocturne est préservé, et la patiente s’alimente normalement. Mme I n’a pas de troubles du comportement ni d’hallucination ou de délire. Elle est toujours irritable et légèrement agressive verbalement; elle ne lit plus, et passe des heures à regarder la télé ou tente de faire des mots croisés. Elle ne fait plus les courses seule, est toujours accompagnée de son époux. Mais elle est autonome pour une hygiène personnelle et l’habillage.
Le traitement anticholinestérasique est renouvelé.
En juillet 2002, La patiente est très désorientée, et on trouve un trouble de la mémoire de rappel. Mme I. a de plus en plus de mal à se rappeler des faits récents, et ne sait plus rien de l’actualité. Elle ne sait plus qui est le président de la République par exemple. Le MMS est inférieur à 25/30, stable depuis la dernière fois.

2. Déroulement d’une séance ordinaire de stimulation cognitive
Alors que la stimulation cognitive est proposée pour trois ou quatre mois, Mme I comme certains autres patients a volontairement voulu prolonger cette prise en charge, et cela fait plus de deux ans qu’elle participe très assidûment à ces séances. Nous désirons mettre en évidence d’après l’observation, que la motivation qui pousse les patients à participer à la stimulation n’est pas la même pour tous…
Les programmes de stimulation cognitive tel que le PAC-FNG (J. Rotrou) ont été mis en place pour les patients atteints de la DSTA débutante. Théoriquement, ils concernent de petits groupes de 6 à 8 personnes, homogènes, réunis en séances successives avec réalisation en commun d’exercices cognitifs sous la direction d’un psychologue, ou neuropsychologue. Le psychologue doit être formé à la neuropsychologie et avoir une bonne expérience clinique du patient dément. Il s’agit d’ailleurs d’aider le sujet à utiliser ses possibilités cognitives intactes pour résoudre l’exercice et non pas de lui faire passer une épreuve avec risque de mise en échec. Celle-ci en effet doit être évitée à tout prix, tant elle est inductrice de réactions anxio-dépressives.
Les séances se sont toujours ressemblées, nous désirons de transcrire une séance telle qu’elle s’est déroulée, cela va nous aider à mieux comprendre la suite de notre travail. C’est un groupe de patients ambulatoires atteints de la DSTA débutante.
Jeudi 3 octobre 2002 :
La Psychologue « Bonjour mesdames, nous allons commencer comme d’habitude par un exercice d’orientation ».
Mme I : « Ah oui… Ah oui comme d‘habitude… Pour nous faire travailler là-dedans ! Parce qu‘on en a besoin ! ».
Psychologue : « Quelle date sommes-nous aujourd’hui? ».
Mme B : « Alors là aucune idée ! ».
Mme D : « Le 19 non ? Je ne sais pas… »
Mme I : « Ah c’est triste de ne pas savoir ça… Vraiment ».
Mme L : « Oh… Ce n’est pas si grave, qu’est-ce que ça fait si on ne le sait pas ? ».
Psychologue : « Nous sommes le 3. Le 3 du quel mois ? ».
Mme B : « Septembre ? »
Mme I : « Ah oui peut-être… »
Mme D: « Je ne sais plus, oh on ne fait plus attention, en fait à cause des calendriers on ne fait plus travailler notre mémoire ».
Psychologue : « Nous sommes au mois d’octobre, de quelle année ? ».
Mme I : « Octobre ?… Déjà ».
Psychologue : « Madame I, Savez-vous en quelle année nous sommes ? »
Mme I : « Non, je ne sais plus… J’ai demandé à mon mari en venant ici, parce que je sais que vous nous demandez la date, mais je ne m’en souviens plus… Et oui, ça ne marche plus là dedans… C‘est pas beau la vieillesse ».
Psychologue :« Nous sommes en 2002 ».
Mme I : « Ah oui… 2002 déjà. Ah ! La la ! Ne plus savoir en quel mois on est! C‘est pas croyable quand même !».
Mme L : « Ca de l’importance pour vous en fait, pas pour nous », dit-elle à la psychologue.
Psychologue : « Où sommes nous actuellement, à quel endroit ? ».
Mme I : « L’hôpital B ».
(Les quatre patientes savent généralement que c’est l’hôpital B.).
Psychologue : « A quel étage sommes-nous ? ».
Mme B : « Au troisième ! ».
Mme I : « Au deuxième, non ? ».
Mme D : « Je ne sais pas, c’est mon mari qui m’accompagne, je le suis ».
Mme B : « Moi aussi c’est mon mari ».
Mme I : « Ah oui, moi aussi, sans lui… ».
Mme P : « Nous sommes au 1er étage ».
Mme I : « Ah bon ?… ». Mme I est la seule à écrire chaque réponse sur son cahier. Psychologue : « quelle est le nom de la rue où se trouve l’hôpital B ? ».
Mme B : « Rue B ? ».
Mme I : « Oui peut-être ».
Psychologue : « C’est la rue P. Comment êtes vous venus jusqu’ici ? ».
Mme B : « Vous n’allez pas me croire mais je ne le sais plus, je ne sais pas si on est venu à pied ou si on pris le bus ».
Mme D : « Je suis venue à pied, j’habite à deux minutes d’ici (…) ». Mme D raconte d’une manière récurrente son passé, pour quelle raison elle a quitté le Limousin pour venir s’installer à Paris, et qu’elle habite très près de l’hôpital B.
Psychologue : « Mme I, et vous, comment venez-vous jusqu‘ici ? ».
Mme I : « On prend le métro ».
Mme B demande à Mme D : « Vous habitez à Paris ? ».
Mme D : « Oui, j’ai toujours habité ici, enfin depuis très longtemps, je suis née dans le Limousin, j’ai un petit accent de là bas, mais je me suis installée ici depuis longtemps, j’aime bien aller dans mon village, mais j’aime bien revenir ici, je me sens parisienne maintenant (…) ».
Mme B : « Ah oui, Paris c’est Paris… Moi j’aime Paris. Je suis née à Paris. Je ne dis pas qu’ailleurs ce n’est pas bien, mais Paris c’est Paris, moi j’ai appris à marcher sous la toureiffel, mon frère disait : la « tourssifel » ! Ah oui moi j’aime Paris, et puis on y mange bien… Je suis une vraie parisienne ». Et Madame B commence à chanter sans faute une chanson sur la tour eiffel… Les trois autres patientes l’écoutent et rient.
Mme L : « Belle chanson ! Ah Oui…».
Mme D : « Vous chantez bien, moi je n’ai jamais chanté devant tout le monde, mais j’avais une tante qui (…) ».
Mme B continue à chanter et dit : « Moi, je prends mon manteau, je l’enfile, et je sors avec mon mari, et on se balade dans Paris. C’est magnifique Paris, vous ne trouvez pas ? Paris, je suis née à Paris (…) ».
Psychologue : « Nous allons revenir aux choses sérieuses, qui a regardé les actualités de ces derniers jours ? ».
Mme D : « Mon mari regarde, moi je me dis que s’il y a quelque chose de grave, il me le dira ».
Mme I : « J’ai regardé mais je n’en souviens plus, ça ne marche plus là dedans, j‘ai beau essayé mais arrivée là, je ne souviens plus de rien… ».
Psychologue : « Comme je vous le dis, il faudrait que vous puissiez noter ce que vous entendez aux informations, ça aide à mémoriser… ».
Mme I : « j‘essaie mais… ». En disant cela Mme I se gifle deux fois.
Psychologue : « On parle beaucoup de deux pays en ce moment, il y a un pays qui veut faire la guerre à un autre pays, ça vous dit quelque chose ? ».
Mme I : « Non… qui ? ».
Psychologue : « Les Etats Unis, mais alors avec qui ? Ir…. Ir ?… ».
Mme I : « Iran ? ».
Psychologue : « Non, l’Irak. Qui est le président de l’Irak ? C‘est le M. avec de grosses moustaches, il n‘a pas l‘air gentil du tout… Sa… Sa… ».
Mme I : « Sadam Hussein non ? ».
Mme L : « Vraiment, ça nous est égal, vous savez moi je suis dans ma bulle, et je suis bien dans ma bulle, j’ai un chien, je le sors, j’ai mes petits intérêts. En fait, ça dérange la société qu’on ne sache pas tout ça, mais nous ça nous dérange pas vous savez… »
Psychologue : « Alors Mme I, vous avez dit Sadam Hussein, oui, c’est ça ! C‘est bien ! ».
Mme I : « Oh ben, je ne l’ai pas fait exprès ! ». (Rire).
Psychologue : « Qui est le président de la France ? »
Mme B : « De Gaule ? ».
Mme D : « Non, c’est pas Pompidou maintenant ? ».
Psychologue : « C’est Chirac ».
Mme I : « Chirac !… Ben vous voyez, ne pas savoir ça !… ». Elle soupire souvent d‘un air catastrophé, et se met à écrire la réponse sur son cahier.
Psychologue : « Quel est le premier ministre de la GB ? ».
Mme B : « Khomeni ? ».
Psychologue : « Non c’est un bel homme… Tony… Bl…? ».
Mme I : « Tony Blair ! Non ce n’est pas ça ? ».
Psychologue : « Oui ! ».
Mme B : « Bel homme ? Vous trouvez que c’est un bel homme ? Eh bien, les goûts et les couleurs, ça ne se discutent pas ! (Rire) D’ailleurs sa femme ne l’aurait pas plaqué ? ».
Psychologue : « Non… ».
Mme B : « Bah, de toutes façons ça arrive à tout le monde ». (Rire).
Psychologue : « Qui est la reine d’Angleterre ? ».
Mme I : « Ce n’est pas Bernadette ? ».
Psychologue : « Non c’est Élizabeth ».
Mme B se met à chanter une chanson… Les patientes sourient et prennent plaisir à l’écouter.
Psychologue : « Alors qui est le fils d’Elizabeth ? ».
Mme B : « Charlatan ! C’est Charles qui attend ! ». (Rire).
Psychologue : « Et sa femme ? »
Mme B : « Elizabeth ! ».
Psychologue : « C’était Lady Diana ».
Mme I : « Ah oui… Lady Diana ».
Psychologue : « Nous allons maintenant lire un texte, puis nous ferons quelques exercices autour du texte. D’accord Mesdames ? ».
Mme I : « Ah oui, revenons aux choses sérieuses, il faut faire travailler ses méninges… parce que ça ne va plus là dedans ».
La psychologue distribue un petit texte très simple. Les patientes doivent le lire à tour de rôle, et des questions leur sont posées. Les réponses ne sont correctes que lorsqu’elles peuvent regarder le texte, autrement elles sont fausses. Les questions sont suivies d’exercices. Le texte sera fait en trois séances, étant donné qu’il est extrêmement difficile de maintenir les patientes concentrées sur ce type de travail. Le travail ne peut se faire que d’une manière fragmentée, entrecoupée de discussions, de rires, et de chants. Mme I est la seule patiente à rester sérieuse jusqu’à la fin de la séance, c’est aussi celle qui ne dévie jamais d’elle-même les questions de la psychologue.
Après la lecture, Mme B reparle de Paris, et commence à chanter sur Paris, Mme D parle de son passé…
Psychologue : « Mme I, vous dansez non ? ».
Mme I : « Moi je ne chante pas, mais je danse oui».
Mme D : « Ah oui ? » Rire.
Mme B : « Qu’est-ce que vous dansez ? La salsa ? Oh lala, qu’est-ce que c’est beau! ».
Mme I : « On danse de tout mon mari et moi. La java, la salsa… de tout. On est inscrit à un club du troisième âge, et ils organisent un bal toutes les deux semaines, et mon mari ne raterait le bal pour rien au monde ! Il adore danser ! Je danse avec lui, ça fait du bien, vraiment ! Et quand je suis fatiguée de danser, il fait danser les veuves ! (Rire), et oui heureusement qu’il y a ça… Ca et la SC ! Deux choses que je ne manque pas. Ah oui, la SC ça fait travailler la tête, ça m’aide bien vous savez !».
Mme D : « Oui c’est vrai, moi je viens tout le temps, je vous vois Mesdames, et vous aussi (s’adressant au corps soignant), il y a de l’ambiance, on se parle, on rit, on prend du plaisir ».
Psychologue : « Nous allons revenir à nos moutons ».
Mme B : « Maihhh…. » Rire.
Psychologue : « Je vais vous poser quelques questions sur le texte ».
Mme I : « Ah lala… ça va pas, c’est pas du joli joli… ».
La Psychologue pose une question sur le texte.
Mme I : « C’est terrible ce cerveau… ».
Psychologue : « Bien, je crois que c’est l’heure, nous reprendrons ce texte la prochaine fois, eh bien merci mesdames… ».
Mme I : « C’est nous qui vous remercions, heureusement que vous êtes là, heureusement que vous nous laissez pas tomber, il faut que ça remarche là-dedans… ». (…).
Avant de nous lancer dans la troisième partie, nous voudrions souligner quelques aspects sur les déroulements de la SC. Comme nous l’avons déjà dit, les séances se sont fortement ressemblées tout au long de l’année; après la séance, la psychologue se sentait fréquemment frustrée de n’avoir pu faire une véritable « stimulation cognitive ». Elle pensait même que si l’hôpital était au courant du déroulement non conforme à la théorie, il mettrait fin aux séances…
La « stimulation cognitive » est un mot moderne qui fait presque rêver par son ambition de « stabiliser » les troubles de la mémoire pour quelques années, et donne à croire à certains patients qu’il est même possible de retrouver la mémoire… Une sorte de « magie » est comme volontairement entretenue autour de la SC, en évitant entre autres de répondre aux questions des patients concernant les séances. Durant l’année entière, une patiente a régulièrement demandé à la psychologue si ils allaient retrouver la mémoire, mais n’a jamais eu une autre réponse de la part du psychologue qu’un sourire…

3. Déroulement d’une séance de stimulation cognitive pas comme les autres
Pendant ces dix mois, il eut une séance de SC où les patients devaient faire très sérieusement des exercices qui en réalité étaient des tests de réévaluation, s’inscrivant dans un cadre de recherche menée par l’hôpital… Nous tenons à évoquer cette séance, et à insérer ces exercices dans le mémoire. Cette séance fut un événement marquant pour Mme I, et se révèle donc être importante pour la suite de notre travail.






III. POURRAIT-ON CONSIDERER LA STIMULATION CONGNITIVE EN TANT QUE MECANISME DE DEFENSE CONTRE UNE BLESSURE NARCISSIQUE INSURMONTABLE POUR CERTAINS PATIENTS, UN ESPACE GROUPAL QUI POURRAIT DONNER L’ILLUSION DE LUTTER CONTRE LA PERTE « D’OBJET-MEMOIRE », VOIRE MEME DE RETROUVER CET OBJET PERDU ? UNE LUTTE CONTRE DES PERTES IRREVERSIBLES NE TRADUIRAIT-ELLE PAS UN CONFLIT NARCISSIQUE ?
1. Discussion autour des séances de SC
Le groupe que nous avons décrit dans la partie clinique et autour duquel nous allons travailler est donc composé de quatre patientes ambulatoires, de même tranche d’âge et atteintes de la DSTA débutante. Les quatre patientes à elles seules mettent bien en évidence l’hétérogénéité de cette démence, et les diverses motivations qui poussent ou ne poussent pas les patients à venir régulièrement à la stimulation cognitive.
- Mme L., est une patiente qui est venue très irrégulièrement pour ensuite ne plus jamais revenir à la SC, notre observation nous a permis de comparer son comportement et ses dires à ce qui est souvent décrit au sujet des personnes âgées démentes (ou non démentes aussi), autrement dit des sujets qui sont auto-satisfaits, qui sont dans une sorte d’oasis, et pour lesquels il est très juste de parler d’un retour au narcissisme secondaire.
- Mme B., est une patiente qui vient à la stimulation cognitive plus par obligation, elle n’y viendrait certainement pas si son mari ne la contraignait pas. Ceci étant dit, elle voit la stimulation cognitive comme un espace où elle passe un moment agréable car il lui permet de chanter, et de parler de sa passion pour la ville de Paris.
- Mme D., est une patiente qui vient à la stimulation cognitive pour uniquement parler, tout est très centré autour d’elle, à chaque séance, elle rappelle qu’elle vient pour discuter et voir « les dames ». La stimulation est de l’ordre de l’occupationnel pour cette patiente. Elle sait qu’elle a des troubles de la mémoire, mais elle ne s’inquiète nullement pour cela, elle dit souvent : « mon mari sait pour moi », et rit très souvent, on repère aucun élément anxio-dépressive chez cette patiente.
- Mme I est la seule du groupe à prendre la stimulation au sérieux. Lorsqu’en fin de séance, Mme D. dit d’une manière récurrente que cela fut un plaisir pour elle de voir toutes « ces dames » , que parler lui a fait un grand bien, lui a changé les idées… Mme I est la seule à ne pas y répondre, ou alors à répondre en disant : « Il faut venir, et faire travailler les méninges, ce cerveau, il faut le remettre en route! C’est bien ici, on nous fait travailler, on en a bien besoin… ». Chaque chose est ramenée au devoir de rétablir la mémoire « comme il faut » !
L’angoisse est manifeste chez Mme I, mais selon son mari, c’est surtout quand elle est seule qu’elle devient presqu’invivable. Des entretiens réguliers avec le couple, et aussi avec les partenaires séparément, nous permettent de supposer que dans ce cas de figure nous sommes loin d’une auto-suffisance, ou d’un retour au narcissisme secondaire. Mme I est constamment à la recherche d’un lien avec l’autre, d’endroits où elle pense se retrouver comme avant, où l’idéal du Moi a l’impression de colmater les failles du présent.
Nous avons pu mettre ce cas de figure en rapport avec une autre patiente d’un autre groupe, qui est la seule du groupe à avoir à peu près les mêmes paroles, avec un ton aussi grave que celui de Mme I. Elle viendrait également à la SC pour retrouver l’objet perdu, avec un même état de catastrophe : « Sans la mémoire, rien ne va plus. Il faut faire travailler là-dedans. Vous nous aidez à retrouver ce qu’on a perdu. En tous cas vous nous donnez un peu d’espoir. Qu’est-ce que vous êtes patientes avec nous, vous nous donnez un peu de votre jeunesse… On a bien travaillé, ça bien tourné là-dedans !… Ici, on nous force à travailler la mémoire, sinon à la maison, on n’y arrive pas… Vous n‘imaginez pas, perdre la mémoire c‘est tout perdre, je ne me reconnais plus, moi qui avais ma propre entreprise, une dizaine de personnes travaillaient pour moi, je n‘oubliais rien, je dirigeais tout, et regardez-moi aujourd‘hui… Mais comment est-ce possible ?».
Lors d’un entretien M. I me dit : « Ca fait deux ans que ma femme vient à la SC, je ne peux pas dire que ça aille mieux, mais ce qui est sûr c’est que pour rien au monde on raterait une séance, parce que moralement elle se sent mieux après… enfin pour quelque temps… Je ne sais pas ce que vous lui faîtes, mais elle a l’impression d’être moins malade ». Il faut souligner que le M. I se confie parfois à moi dans le couloir, il me dit souvent qu‘il ne sait trop quoi faire face à la tristesse et angoisse de son épouse : « Elle ne supporte pas d’être seule, quand elle est seule elle n’arrête pas de se rabaisser, elle se sent nulle, elle a tellement d’idées noires. Vous savez, elle a toujours été très sensible, c’est rare de voir des personnes aussi sensibles qu‘elle, j’ai jamais vu ça, toute sa vie elle s’est mise à pleurer pour un oui ou pour un non, rien que le fait de regarder les informations par exemple, ça la met dans un état de détresse… Et là, perdre la mémoire… elle n’arrive pas à s’y faire, elle est très malheureuse, elle ne le supporte pas. Je suis obligé de la sortir tous les jours. Quand elle vient à la SC, ça lui fait certainement travailler la tête, même si moi je ne vois pas de résultat au niveau de la mémoire, mais c’est qu’elle se sent mieux après, et c’est donc moins dur pour moi aussi… ».
Nous supposons que pour les cas de figures comme Mme I, la SC donne l’illusion de véritablement lutter contre les troubles mnésiques, ainsi que l’illusion à certains patients que la mémoire peut être retrouvée avec un effort… Cette lutte effrénée pour retrouver l‘introuvable traduirait peut-être un conflit narcissique ?
Des patients encore sensés, se rendant compte de bien de choses, se retrouvent dans l’impossibilité de se rendre compte que la SC est bien loin d’être cet « atelier-mémoire magique », et que même si elle était un lieu de véritable activité mnésique, en aucun cas elle ne pourrait stabiliser des troubles dégénératifs, ou aider à retrouver les pertes à jamais perdues.



2. Dans le cas de Mme I, la stimulation cognitive serait utilisée en tant que mécanisme de défense contre une blessure narcissique : Un espace groupal autour du thème de la mémoire qui rassurerait le narcissisme en conflit , et parfois donnerait l’illusion de guérir…
Si pour certains patients, se retrouver en groupe lors de la Stimulation cognitive se résume uniquement à voir autrui, et par conséquent cette démarche s’inscrirait dans l’ordre de l’occupationnel, et du relationnel; pour d’autres patients comme Mme I, il semble que les raisons de leur présence dépassent cette simple motivation. Nous supposons que le groupe de SC « imposerait » à ces patients précis de retrouver « l’objet-perdu » ainsi que l’obligation d’investir l’ensemble comme continuité, totalité, et unité; autrement dit le groupe de SC leur imposerait d’investir l’ensemble comme « objet narcissique ». Nous serions presque face à une sorte de « contrat narcissique » (Kaës, 1993), qui donnerait l’illusion de restaurer l’idéal du Moi tel que les patients l’avaient avant la DSTA, (de faire comme s’il n’y avait pas ces pertes mnésiques ou/et encore faire comme si on pouvait les guérir, il y a là quelque chose de très paradoxal)…
Nous envisageons que ce qui se joue dans la SC pour Mme I ne va pas sans nous rappeler la relation duelle où l’enfant se veut l’enfant idéal pour la mère avant l’intériorisation de cette image d’enfant idéal en Moi idéal. Nous nous référons ici à bien d’attitudes que Mme I avait lors des séances, comme par exemple se comporter comme une bonne élève : crayon, gomme et cahier soigneusement dans les mains, elle notait soigneusement chaque réponse de la psychologue. Elle écoutait plus attentivement ce que les soignants disaient que ce que les autres patients relataient. Elle était d’ailleurs la seule à vouloir du « sérieux », il lui arrivait de dire (d’un ton doux) : « allez, revenons aux choses sérieuses ! On en a besoin ! », mais le plus impressionnant était les gifles qu’elle s’affligeait parfois dès qu’elle ne pouvait pas répondre correctement… « Ah… beh tiens alors ! C’est ce que je mérite ! Ca ne va pas ça !»; nous soulignons également que la patiente prenait chaque mauvaise réponse à cœur alors que les autres en riaient, enchaînaient l’échec par une chanson, ou une discussion autour de leurs souvenirs, leurs centre d’intérêts comme c‘était bien évidemment le cas de Mme B ou Mme D.
Comme nous le savons, dans un développement différencié, ces images idéales prennent par la suite appui sur les modèles parentaux et sur des idéaux proposés par la société. Adhérer à cet ensemble d’images idéales prouve le sentiment d’une possible appartenance à un groupe, à une identité, donc à une sorte de « normalité » … L’instance psychique est constituée, l’idéal du Moi devient une instance symbolique étayée sur des valeurs communes à un groupe, une société; et il évolue, transforme les repères identitaires en fonction de l’environnement et son histoire personnelle. Nous pensons que lorsque « l’objet-mémoire » se perd en morceaux, et que cette perte n’est pas acceptable, les cas de figures comme Mme I, se retrouveraient face à un conflit narcissique au premier plan… Nous supposons donc que pour certains patients, dans la DSTA débutante, dans la conscience la maladie, une problématique narcissique serait bien existante.
Mme I reste prisonnière de l’image idéale (dont elle s’est fait de sa propre vieillesse) et s’engage alors dans une lutte (dérisoire) pour se protéger de cette blessure narcissique que lui afflige la perte mnésique. Mme I témoigne ainsi de sa dépendance à l’égard de cette image et peut-être de la vulnérabilité identitaire face à cette atteinte qui lui est portée, (B. Grunberger, 1985). L’identité de la patiente s’étaie sur cet « espace transitionnel », où elle vit une véritable illusion autour du « peut-être guérirai-je après cet effort ? », un espace qui devient pour elle un support pour palier les pertes en soi et hors de soi. Cette illusion risquerait de devenir l’étayage dont elle ne pourrait se passer : Nous pensons qu’il y a là déjà une réelle dépendance.
La DSTA est classiquement décrite à partir de l’atteinte cognitive comme en témoigne le DSM IV, (Amercican Psychiatric Association DSM IV., 1996, 384 p); les notions de modification de la personnalité qui semblent être diverses et très complexes ne sont pas décrites, alors qu’elles sont mentionnées dans le DSM. III., 1989, (Amercican Psychiatric Association DSM. III R, 1989 - Manuel Diagnostique et statistique des troubles mentaux. 624 p).
Ne pouvons nous pas nous demander qu’en occultant les faits psychiques, la modification de la personnalité, le DSM IV ne cacherait-il pas une incompréhension, et une connaissance insuffisante concernant les faits psychiques dans la DTA ? Nous nous posons ici la même question que C. Montani, dans son article « La version cachée de la maladie d’alzheimer » (in Gérontologie et Société, n°97, juin 2001). En effet, d’après notre observation clinique des patients alzheimer, aussi bien lors de la SC que lors des entretiens pour la passation des tests; repérant à chaque fois l’hétérogénéité des attitudes face à la maladie, nous nous demandons si « l’expression non cognitive » n’indiquerait-elle pas le flou des représentations attachées aux comportements psycho-affectifs ? Le psychisme serait-il tellement difficile à appréhender qu’il nous imposerait quelques simplifications abusives ? Ou ne voudrions nous simplement pas voir que dans la DSTA débutante, nous pouvons avoir à faire à des conflits psychiques complexes?…
Nous pensons qu’il est nécessaire de reprendre certaines formulations de Freud lui-même, déjà mentionnées dans le début du travail, et qui sont comme nous l’avons vu largement reprises en psychogériatrie, lorsqu’il dit que le vieillissement retire la libido des objets de son amour et régresse au narcissisme secondaire, et ainsi s’auto-suffit. Il est désormais temps de s’intéresser de plus près à la vieillesse (aussi bien normale que pathologique), et de rendre compte que cela n’est pas si simple, et si unifié. Nous pensons qu’il n’y a donc argument théorique dans la psychogériatrie qui puisse démontrer un phénomène général de désinvestissement et d’auto-suffisance.
Comme nous le savons le narcissisme sous-tend l’estime de soi, il est plus ou moins solide, et renforcé par des sources externes. Selon la solidité du narcissisme, ces renforcements sont plus ou moins nécessaires au patient. Nous rejoignons ici une idée générale de Kohut (1974), ainsi que l‘hypothèse de Balier et Péruchon. Ce modèle nous permet de cerner certains phénomènes rencontrés dans la clinique de la DSTA débutante. Mme I semblerait avoir de par son passé et sa personnalité extrêmement sensible, une fragilité narcissique qui a pu être compensée durant sa vie passé grâce à un support narcissique suffisant, or l’absence de ce support, la confrontation à la perte d‘un objet (en l’occurrence la perte « d’objet-mémoire » ) a pu amener la patiente à refuser d’une manière pathologique cette perte. La patiente manifeste des perturbations de son estime de soi : sentiment de vide, de dévalorisation, voire de honte et de culpabilité; ce qui n’est pas le cas de tous les patients atteints de la DSTA débutante, et qui n’utilisent pas non plus la SC comme un mécanisme de défense pour vivre dans une sorte de déni, elle n’est pas un apport externe d’estime de soi. Tous les patients ne revendiquent pas, ni ne cherchent à défendre aux yeux des autres une image brillante, conforme à une sorte d’idéal de la vieillesse… En quelques mots le dernier cas de figure s’accommode de l’image nouvelle, et continue à vivre avec un certain plaisir. Nous désirons introduire le cas de Mme D, Mme B ou Mme L. Mme L disait souvent qu’elle ne savait pas tout ce qu’on lui demandait, mais elle n’en souffrait pas : « C’est plutôt triste pour vous qu’on ne sache pas tout ce que vous nous demandez, moi, en tout cas, je suis bien dans ma bulle, je suis dans mon petit monde avec mon chien, c’est tout, et je suis bien comme ça… Je ne sais pas comment vous l’expliquer ». Mme D disait souvent à cette patiente qu’elle avait raison, mais Mme I manifestait son désaccord : « Ah non, c’est important la mémoire… Moi ça m’angoisse, j’étais mieux avant, si seulement je pouvais retrouver cette mémoire…Mais bon, on va y arriver petit à petit ».
Nous pouvons rapprocher notre travail à l’hypothèse de M. Cariou qui dans « personnalité et vieillissement », (1995), et dans « La démence : expression d’une carence structurelle de l’intégration identitaire » (1995), dit que les troubles du vieillissement sont comme la conséquence de la difficulté que rencontre le système identitaire à s’adapter aux nouveaux évènements de la vie. Pour notre part, nous supposons donc que l’état démentiel pourrait provoquer certains conflits psychiques, en l’occurrence un conflit narcissique, lié à l’incapacité du Moi à se modifier en fonction d’une réalité manifeste… Comme nous l’avons déjà dit, nous pensons que Mme I utiliserait la SC comme un mécanisme de défense contre une blessure narcissique. Ce mécanisme de défense lui donnerait l’illusion (limitée dans le temps) de ne pas perdre complètement « l’objet-mémoire » et donnerait aussi l’illusion de récupérer un jour ce qui est déjà perdu. Il y a là quelque chose d’assez ambivalent et paradoxal. Ce mécanisme de défense peut d’une manière transitoire, comme une drogue, amener un certain confort psychique et une certaine protection de l’image de soi conforme à l’idéal du Moi de la vieillesse du patient. Notre positionnement induit la réflexion suivante : Nous supposons que dans la vieillesse normale ou démentielle, tout comme les autres périodes de la vie, des mécanismes habituels au psychisme humain peuvent s’appliquer dans des contextes particuliers.

3. Quand la SC n’est plus l’espace d’illusion…
Une séance inhabituelle a conforté l’hypothèse sur laquelle nous tentons de travailler, et nous voudrions la mentionner dans ce sous chapitre car elle nous semble importante. Nous nous référons ici à la SC destinée à une réévaluation de la mémoire décrite dans la partie clinique; c’est au mois de janvier que cette séance a lieu, elle est extrêmement différente des séances habituelles. Le fait qu‘aucune explication n’est donnée la rend encore plus étrange et grave.
A la fin de la séance, tandis que Mme B est assez indifférente, Mme D tente d’expliquer gaiement qu’elle n’a plus l’habitude à cause de son mari, Mme I est dans un état de grand désarroi; contrairement à son habitude, elle ne fait aucune remarque; mutique, elle sort de la salle…
Lorsque nous terminons de discuter entre nous avec la psychologue et une autre stagiaire, nous sortons seules de la salle et rencontrons M. et Mme I dans le couloir. Le couple semble désemparé, et manifestement démuni; nous nous arrêtons pour discuter avec lui. M. I cherchant un soutien, nous dit spontanément : « Elle ne va pas bien, vous avez fait faire des exercices qui l’ont mise hors d’elle. Elle est en train de se dire qu’elle est nulle, que c‘est fini… Regardez-là ». Mme I ne dit rien, mais l’angoisse parle d‘elle-même, et ses yeux sont en larmes. Enfin après quelques minutes de silence elle dit : « Ca ne va pas, je sais que j’ai fait n’importe quoi… Je ne sais pas ce qu’on va me dire, je crois que je ne vais vraiment pas bien…».
Cette séance est une désillusion d’une violence telle que Mme I qui ne « manque pour rien au monde la SC », ne viendra pas à la séance suivante.
Après deux semaines, M. I nous confie que son épouse avait terriblement souffert d’avoir été incapable de faire les exercices, et qu’elle refusait catégoriquement de revenir à la SC : « Elle ne voulait vraiment plus revenir, elle s’est tellement sentie nulle, elle s’est beaucoup rabaissée, elle a été comme choquée de son incapacité à faire des exercices que vous avez proposés… Ca a été très dur de la soutenir, je l’ai forcée à venir aujourd’hui, je vous assure j‘ai dû me battre pour lui redonner confiance !… La dernière fois, je ne sais pas mais ça a fait l’effet contraire… ».
Il nous semble que face à cet événement Mme I était face à une désillusion et s’est par conséquent retrouvée dans l’incapacité à mettre en place le mécanisme de défense habituel. La confrontation à la réalité de ses troubles mnésiques contre lesquels elle pouvait « lutter » ou ne plus voir leur existence pour un moment transitoire grâce à l’illusion que pouvait donner la SC, fut d’une très grande violence psychique.
Ces réflexions nous amènent à poser une autre question à laquelle nous ne pourrons cependant pas répondre dans ce travail : D’un point de vue médical, on sait décrire la SC; mais d’un point de vue psychologique, sommes nous demandé ce que la SC pouvait représenter pour certains patients ?


4. Que pouvons nous essayer de comprendre derrière un tel mécanisme de défense ?
A. Pouvons nous évoquer un travail de deuil fait sur une note pathologique ?
Nous pensons que derrière ce mécanisme de défense que nous venons d‘évoquer, nous percevons une difficulté réelle à faire un travail de deuil de «l’ objet-mémoire », une difficulté de séparation avec l’idéal du Moi…
Comme nous l’avons vu, les réactions et adaptations face aux pertes de la mémoire sont hétérogènes dans la DSTA débutante. Pour certains patients, comme Mme I, la perte de mémoire est insurmontable. Nous pensons qu’en utilisant la SC comme mécanisme de défense Mme I traduirait la difficulté ou l’incapacité à faire le deuil de cet « objet-mémoire intimement lié », voire confondu avec l’estime de soi. Cette conscience de la perte et à la fois son refus de l’accepter et de lutter contre traduirait peut-être un travail de deuil fait sur note pathologique, (Quinodoz D., Joubert G.). Nous rejoignons ici l’idée évoquée par J-M Léger et al., dans leur article « Séparation et vieillissement », in Psychologie Médicale, 1993, p1099 : « Face à ses situations de séparation, une voie régressive peut-être empruntée au plan économique et au plan de l’identité. Malgré la perspective de la mort, l’âge ne peut faire le deuil de son « moi-objet », et de son corps ».
Ces pertes de la mémoire de plus en plus affirmées, écartent le patient du monde, pour l’amener vers une sorte de « déshumanisation », et enfin vers la fin ultime. Cette séparation avec la mémoire est confondue avec la séparation avec « l’objet-moi », elle correspond à une sorte de clivage, à un écartèlement d’un tout en ses parties. L’écart de plus en plus grand entre l’idéal du Moi, l’héritier du narcissisme, la base même des aspirations, source de dynamisme, et la réalité quotidienne est bien perçue, tout aussi bien que le refus de cet état. Nous serions face à un véritable conflit interne provoqué par la perte « d’objet-mémoire ». Le travail de deuil de « l’objet-mémoire » semblerait donc être un travail impossible à faire pour Mme I.
Ceci nous mène à réfléchir sur ce que Freud écrit autour du deuil pathologique, dans « Deuil et mélancolie » in Métapsychologie, p 148., car il nous semble que le cas de Mme I peut être articulé avec cette problématique conflictuelle autour de la perte d’objet.
Freud écrit : « L’épreuve de réalité a montré que l’objet aimé n’existe plus et édicte l’exigence de retirer toute la libido des liens qui la retiennent à cet objet. Là-contre s’élève une rébellion compréhensible, on peut observer d’une façon générale que l’homme n’abandonne pas volontiers une position libidinale même lorsqu’un substitut lui fait déjà signe. Cette rébellion peut être si intense qu’on en vienne à se détourner de la réalité et à maintenir l’objet par une psychose hallucinatoire de désir ». Alors qu’un travail de deuil normal permettrait au Moi du patient de redevenir libre et sans inhibitions (comme le cas de figure d’autres patients atteints de la DSTA débutante), (Péruchon M., Quinodoz D.), l’incapacité de ce travail de deuil rendrait la maladie encore plus difficile à vivre.
Bien que dans la DSTA débutante, l’objet perdu ait un nom, qu’il soit connu du sujet, le patient entre dans une sorte de mélancolie où il y a une diminution très importante de son sentiment d’estime du Moi ainsi qu’un appauvrissement du Moi. Dans cas de figure de Mme I, c’est le Moi lui-même qui devient pauvre et vide. Nous voudrions citer ici la deuxième patiente Mme A dont nous avons déjà parlé précédemment, elle dit souvent : « Depuis que j’ai perdu la mémoire, j’ai tout perdu, je ne suis plus rien. Je suis vidée de tout mon être, toute mon histoire, de tout ce que j’avais de plus précieux. Je m’en veux terriblement d’en arriver à là, je me punis de ne pas me souvenir des choses, je me dis : c’est bien fait pour toi ma fille ! Tu n’avais qu’à t’en souvenir ! », et comme Mme I, elle rajoute à cela : « Mais vous nous faîtes bien travailler la mémoire, on compte sur vous pour nous aider à la retrouver ».
Nous tenons à souligner cette étonnante culpabilité qu’évoque Mme I et Mme A. Ceci ne peut nous empêcher de penser à ce que Freud écrit aux pages 152-153 au sujet du mélancolique. « … Arrêtons-nous un moment sur ce que l’affliction du mélancolique nous permet d’apercevoir sur la constitution du Moi humain. Nous voyons chez lui comment une partie du Moi s’oppose à l’autre, porte sur elle une appréciation critique, la prend pour ainsi dire comme l’objet (…) », et il rajoute à la page 154 : « Ainsi on tient en main la clef du tableau clinique lorsqu’on reconnaît que les auto-reproches sont des reproches contre un objet d’amour, qui sont renversés de celui-ci sur le Moi propre ».
Il n’est évidemment pas nécessaire de préciser que nous n’essayons guère d’assimiler cet état sur lequel nous travaillons à l’état mélancolique dont parle Freud, mais nous constatons simplement qu’il est possible de relever des caractères communs frappants dans la mélancolie et la DSTA débutante pour certains patients comme Mme I ou encore Mme A, autour de l’impossibilité de faire le deuil de l’objet-perdu, ainsi qu’autour de la culpabilité ressentie par le patient, et l’angoisse d’appauvrissement (dont parle Freud à page 161).
Nous déduisons qu’un travail de deuil avec un soutien psychologique se montre nécessaire pour des patients comme Mme I et Mme A, car il pourrait les amener à une certaine élaboration de leur situation réelle, permettrait peut-être au Moi à renoncer à l’objet perdu en le déclarant comme mort, et offrirait peut-être ainsi au Moi la prime de rester en vie avec ce qui lui reste et non plus avec qu’il n’aura jamais plus…
Nous aimerions à présent développer un peu plus la question du deuil à travers les différents auteurs en psychogériatrie, comme par exemple Dacourt G. qui développe une hypothèse que nous partageons; nous pensons comme lui que « le patient dément se retrouve en réalité « face au double deuil » : celui de l’autre mais aussi de lui-même, ce travail est d’autant plus difficile que le sujet porte en lui-même une inscription profonde, voire indélébile de l’image objet perdu (du fait de la longue existence partagée - (Le Gouès). Par ailleurs, il ne peut faire disparaître certaines représentations particulièrement investies sur le plan narcissique d’une impossibilité de mener à bien un travail de renoncement efficace (…). Il existe, en outre, une gêne à se tourner vers l’avenir envahi par l’image menaçante de la mort ». P1102.
B. Pouvons nous évoquer le fantasme inconscient d’immortalité (dont parle Freud) derrière le refus de la perte « d’objet-mémoire » ?
L’incapacité au renoncement de « l’objet-mémoire » vécu comme une perte « d’objet-identité » ou « d’objet-moi » pour certains patients, nous a amenés à réfléchir autour de la question du travail de deuil.
La problématique de notre travail nous amène à présent à articuler ce conflit au fantasme inconscient d’immortalité dont parle Freud. La question reste ouverte…
Nous supposons qu’il serait aussi envisageable de nous demander si derrière ce mécanisme de défense, autrement dit derrière cette difficulté à faire un travail de deuil, on pourrait peut-être entre-lire un fantasme inconscient d’immortalité plus ou moins prégnant selon les individus, (V. Aubin, P. Brocker, 1997). Comme le dit D. Ribas (1996), Freud donne à la mort une importance psychique fondamentale.
Si nous voyons de plus près l’article de Freud « Notre rapport à la mort », nous pouvons lire ceci à la page 31 : « A nous entendre, nous étions naturellement prêts à soutenir que la mort est l’issue nécessaire de toute vie, que chacun d’entre nous est redevable à la Nature d’une mort et doit être prêt à payer cette dette, bref que la mort est naturelle, indéniable et inévitable (…), C’est que notre propre mort ne nous est plus représentable et aussi souvent que nous tentons de nous la représenter nous pouvons remarquer qu’en réalité nous continuons à être là en tant que spectateur. C’est pourquoi dans l’école psychanalytique, on a pu oser cette déclaration : personne, au fond, ne croit à sa propre mort ou, ce qui revient au même : dans l’Inconscient, chacun de nous est persuadé de son immortalité » (1915). Il est important de souligner que dans « Au-delà du principe de plaisir », (1920), et dans Inhibition, Symptôme, angoisse, (1920), Freud maintiendra cette position que dans l’inconscient, rien ne peut donner un contenu à notre concept de destruction de la vie (ce qui n’est pas le cas de la représentation de la vie - ce qui n’est pas le cas de la représentation de l’angoisse de castration).
Précisons que cette hypothèse n’est pas partagée par tous les psychanalystes , C. David dans « Le deuil de soi-même », dit qu’en dépit du fait que nous ne fassions jamais l’expérience directe de la mot, la mort est tout à fait pensable… L’auteur se base sur l’idée que se représenter sa propre mort, c’est pouvoir faire le deuil se soi, autrement dit aller vers une réconciliation avec soi…










CONCLUSION
Dans ce travail, nous avons tenté de voir de plus près un infime aspect de la « version cachée » de la DSTA. La DSTA débutante est généralement décrite comme la maladie de la mémoire. Cette perte « d’objet-mémoire » atteint l’image narcissique des patients, mais est très certainement élaborée différemment selon chaque individu, autrement dit selon chaque appareil psychique en fonction des défenses et des ressources restantes. Certains patients, comme le cas que nous avons étudié, se retrouveraient face à un conflit narcissique; et ceci ouvrirait un champ énigmatique où l’imaginaire, où en l’occurrence l’idéal du moi, serait en dispute avec la réalité… Le regard d’un psychologue ou neuropsychologue peut facilement repérer ces patients qui depuis longtemps seraient figés dans un état de « catastrophe », et qui utiliseraient la SC comme mécanisme de défense pour se défendre d’une blessure narcissique; et qui penseraient même guérir des troubles grâce à celle-ci…
Nous nous demandons si l’illusion est réellement préférable à préconiser pour ces patients, ne faudrait-il pas les prendre en charge autrement, par exemple en leur proposant un soutien psychologique afin que leurs déficits mnésiques soient élaborés? Aujourd’hui, ne devient-il nécessaire et urgent de repenser la prise en charge des symptômes démentiels en tenant compte de la subjectivité, et des réaménagements psychiques du patient dément ?
Beaucoup de questions nous sont venues à l’esprit lors de ce travail, des questions qui restent toujours ouvertes : tout en réfléchissant sur la prise en charge des patients déments, qui peut être améliorée tant d’un point de vue médical et que d’un point de vue psychologique, et nous dirions même surtout d’un point de vue psychologique ( la psychogériatrie étant l’objet d’un faible intérêt), nous nous sommes posé une question concernant les cas de figures comme Mme I qui mériterait d’être travaillée pour une autre recherche : Ce conflit narcissique serait certainement lié à un travail de deuil qui ne peut se faire pour le patient; peut-être que le fantasme inconscient d’immortalité y joue aussi un rôle… Mais plus simplement, ou d’une manière différente, nous pouvons aussi dire que c’est une angoisse d’être absent de la pensée d’autrui, notamment de ceux qui garantissent l’existence grâce à leur présence et leur attachement… Ce conflit narcissique, ne serait-il pas interprétable comme une résurgence, une réactivation, ou encore comme une persistance d’une très ancienne blessure infligée à l’idéal du Moi ? En réalité, ne serions-nous pas face à une blessure narcissique non élaborée, un « oubli » par l’autre, les autres, les parents, un oubli embusqué dans les replis les plus profonds de la psyché ?… Pour ces cas de figures, y aurait-il une fragilisation de l’intériorisation des imagos parentales, cette intériorisation qui a pour but de jouer un rôle durant toute la vie dans la constitution et le maintien de l’identité ? Peut-être pourrions-nous apporter une contribution à cette question dans un prochain travail, étant donné que la psychogériatrie nous interpelle par sa richesse et sa complexité, et que nous allons continuer à nous investir dans ce domaine…


















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ANNEXE

(Les divers documents peuvent être consultés à Paris 7)